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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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206<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

réel 358 . « <strong>Le</strong> temps n’est plus votre affaire » (FTA, 89), fait observer le marquis Ermete à<br />

l’homme du train qui s’efforce <strong>de</strong> raconter son aventure, et il ajoute : « Je ne vous dirai pas<br />

que nous « avons tout notre temps », ainsi que s’exprime naïvement le langage ordinaire,<br />

combien <strong>de</strong> mots sont ridicules ! Mais le temps ne compte plus et ne se compte plus ».<br />

Pour <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, il en est <strong>de</strong> même pour le personnage du chevalier <strong>dans</strong> la célèbre<br />

gravure <strong>de</strong> Dürer, <strong>Le</strong> Chevalier, la Mort et le Diable dont il fait le commentaire <strong>dans</strong> son<br />

livre sur Léonard <strong>de</strong> Vinci 359 . Selon lui, cette image possè<strong>de</strong> une portée funèbre, et la<br />

chevauchée du cavalier ne se fait pas « <strong>de</strong> ce côté-ci », mais <strong>dans</strong> « l’au-<strong>de</strong>là », <strong>dans</strong> la<br />

forêt <strong>de</strong>s ombres, là où la mort et le diable sont le plus à l’aise. Ils ont « tiré l’homme à<br />

eux, <strong>dans</strong> leur empire, où, inconscient <strong>de</strong> son changement d’état, le guerrier s’avance au<br />

milieu <strong>de</strong>s ténèbres s’épaississant davantage », et <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> ajoute :<br />

On croirait voir une barque funèbre emportant les âmes au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s fleuves <strong>de</strong>s morts, et le lourd<br />

silence qui pèse sur cette scène, l’oppressant et l’étouffant manque d’air, la tristesse sans nom qui<br />

enveloppe les acteurs <strong>de</strong> ce drame attestent que ce drame ne se joue pas sur un théâtre terrestre,<br />

mais sur les premières assises <strong>de</strong> cet univers d’outre-tombe où le chevalier, sans le savoir, déjà,<br />

est entré. 360<br />

Nous entrons donc <strong>dans</strong> l’univers <strong>de</strong> la mythologie, et nous touchons là à un<br />

aspect très important <strong>de</strong> l’œuvre <strong>romanesque</strong> <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>. <strong>Le</strong>s personnages évoluent<br />

<strong>dans</strong> un espace et un temps mythiques. Mais avant <strong>de</strong> poursuivre notre réflexion, il nous<br />

faut préciser ce que l’on entend par mythe. Pour Mircea Elia<strong>de</strong> 361 , le mythe raconte une:<br />

Histoire sacrée, c’est-à-dire une révélation trans-humaine qui a eu lieu à l’aube du Grand Temps,<br />

<strong>dans</strong> le temps sacré <strong>de</strong>s commencements (in illo tempore). Étant réel et sacré, le mythe <strong>de</strong>vient<br />

exemplaire et par conséquent répétable, car il sert <strong>de</strong> modèle, et conjointement <strong>de</strong> justification, à<br />

tous les actes humains. En d’autres termes, un mythe est une histoire vraie qui s’est passée au<br />

commencement du Temps et qui sert <strong>de</strong> modèle aux comportements humains. En imitant les actes<br />

exemplaires d’un dieu ou d’un héros mythique, ou simplement en racontant leurs aventures,<br />

l’homme <strong>de</strong>s sociétés archaïques se détache du temps profane et rejoint magiquement le Grand<br />

Temps, le temps sacré. 362<br />

Mircea Elia<strong>de</strong> complète cette définition <strong>dans</strong> Aspects du mythe :<br />

358 Voir illustration 1.<br />

359 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Léonard <strong>de</strong> Vinci, Paris, Albin Michel, 1952.<br />

360 Ibid., p.175-176. Voir illustration 9.<br />

361 Neagu Djuvara précise, <strong>dans</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> humaniste et passeur, op. cit., p. 146 à 158, <strong>dans</strong> « <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong> et Mircea Elia<strong>de</strong> » que les <strong>de</strong>ux écrivains se sont rencontrés. « Un lien <strong>de</strong> sympathie et d’appréciation<br />

réciproque semble s’être établi entre les <strong>de</strong>ux hommes dès la première rencontre. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> a été<br />

visiblement impressionné par la culture véritablement encyclopédique d’Elia<strong>de</strong> et par l’originalité <strong>de</strong> son<br />

approche <strong>de</strong> certains problèmes spirituels, et <strong>de</strong> la notion du sacré ». <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> a consacré à Elia<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

articles où il évoque ses ouvrages sur le yoga et le chamanisme, et aussi sa production littéraire. Mircea<br />

Elia<strong>de</strong> est l’auteur d’écrits <strong>fantastique</strong>s, en particulier le roman La Forêt interdite, roman cité par Neagu<br />

Djuvara p.151.<br />

362 Mircéa Elia<strong>de</strong>, Mythes, rêves et mystères, Paris, Gallimard, 1957, p.21-22.

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