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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

et possè<strong>de</strong> « une étrange qualité <strong>de</strong> sensibilité cosmique qui le faisait réagir sans erreur au<br />

contact <strong>de</strong>s éléments » (MG, 26). De ses expéditions <strong>dans</strong> les volcans, il est revenu « sans<br />

une égratignure ». « On prétendait, dit le narrateur, qu’il savait parler aux éléments et à<br />

chacun le langage qui lui appartenait » (MG, 27). Un indéfini, « on », sert ici <strong>de</strong> relai,<br />

comme précé<strong>de</strong>mment l’animal, pour désigner cette capacité <strong>de</strong> communion qui fait défaut<br />

au simple savant.<br />

La nature, habitée par un Erdgeist, s’inscrit <strong>dans</strong> une histoire mythologique. C’est<br />

là, nous dit Antoine Faivre, un autre principe propre à la Naturphilosophie : « La nature a<br />

une histoire et cette histoire est <strong>de</strong> nature mythique » 595 . Il existe un arrière-mon<strong>de</strong>, un<br />

« arrière-pays » dirait Yves Bonnefoy, <strong>dans</strong> Algues, La Ville <strong>de</strong> sable ou L’Enchanteur.<br />

Des forces <strong>de</strong>structrices utilisent eau, feu, vent, bête pour faire disparaître une civilisation,<br />

une ville ou un cirque. Des énergies plus positives sont attachées au tissage <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinées.<br />

<strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> est ainsi engagé <strong>dans</strong> un <strong>de</strong>venir qui revêt un caractère dramatique. Placé au<br />

milieu <strong>de</strong> ce théâtre, l’homme a la possibilité d’intervenir <strong>dans</strong> ce jeu, d’être le sauveur <strong>de</strong><br />

la nature en même temps qu’il travaille à la transformation <strong>de</strong> l’humanité. Du même coup,<br />

dit Antoine Faivre, « la connaissance <strong>de</strong> soi et celle du mon<strong>de</strong> vont <strong>de</strong> pair » 596 . La<br />

présence <strong>de</strong> ces forces place l’être humain en position <strong>de</strong> crainte, d’inquiétu<strong>de</strong> favorable au<br />

<strong>fantastique</strong>. Gérard <strong>de</strong> Nerval redoute « l’usage impie » que l’on fait <strong>de</strong> la nature. <strong>Le</strong> poète<br />

croit les choses capables <strong>de</strong> représailles et d’hostilité envers l’homme : « Crains, <strong>dans</strong> le<br />

mur aveugle, un regard qui t’épie » 597 . Dans les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, cette mythologie<br />

du <strong>de</strong>venir est prise en charge par les « Fils <strong>de</strong>s Étoiles », évoqués <strong>dans</strong> La Ville <strong>de</strong> sable,<br />

<strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir. On y retrouve les principes<br />

plus ou moins voilés <strong>de</strong> la philosophie <strong>de</strong> la nature. La doctrine <strong>de</strong>s « Fils <strong>de</strong>s Étoiles » est<br />

exposée par Bardouk, le conteur qui la révèle au narrateur, et par une enfant, Ilse. Il s’agit<br />

<strong>de</strong> personnages qui se situent en <strong>de</strong>hors d’une lecture rationnelle du mon<strong>de</strong> et accor<strong>de</strong>nt<br />

une large place à l’intuition. Bardouk est un personnage à part : il vit en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la ville,<br />

<strong>dans</strong> une maison en ruines, lit les signes que l’environnement naturel peut lui offrir,<br />

déchiffre les « énigmes inscrites sur les feuilles <strong>de</strong> l’arbre » (VS, 48), et les traduit sous<br />

forme <strong>de</strong> conte. <strong>Le</strong>s choses <strong>de</strong>viennent plus claires avec l’intervention du « Maître ». <strong>Le</strong><br />

mon<strong>de</strong> s’inscrit <strong>dans</strong> une temporalité mythologique :<br />

<strong>Le</strong> Maître nous parla d’une création, mais je n’étais pas assez évolué pour comprendre si cette<br />

création avait eu lieu une fois pour toutes, après quoi Dieu s’était désintéressé d’elle et avait laissé<br />

595 Antoine Faivre, Philosophie <strong>de</strong> la nature, Paris, Albin Michel, 1996, p.16.<br />

596 Ibid., p.16.<br />

597 Gérard <strong>de</strong> Nerval, « Vers dorés », <strong>Le</strong>s Chimères, op. cit., p.245.

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