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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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3. Mysterium tremendum.<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

« Dans la littérature ou toute autre forme d’art, le <strong>fantastique</strong> est assez peu<br />

compatible avec le sacré », écrit Michel Viegnes 247 . Pourtant, au XX e siècle, le sentiment<br />

du sacré peut être « perverti » en ce que Antoine Faivre appelle un « neo-<strong>fantastique</strong><br />

numineux » 248 . L’adjectif « numineux » vient <strong>de</strong> numen qui désigne une puissance<br />

mystérieuse et sacrée inspirant crainte et adoration. Ce <strong>fantastique</strong> désigne ainsi un univers<br />

<strong>de</strong> fiction terrifiante qui utilise les structures anthropologiques <strong>de</strong> la religion. Antoine<br />

Faivre range <strong>dans</strong> cette catégorie <strong>de</strong>s auteurs tels que Arthur Machen et Lovecraft. Ce<br />

<strong>de</strong>rnier en effet compose <strong>dans</strong> son œuvre une mythologie ténébreuse, Arthur Machen joue<br />

sur la résurrection <strong>de</strong>s croyances païennes, notamment sur la croyance en la figure <strong>de</strong> Pan,<br />

dont l’apparition <strong>dans</strong> l’antiquité était une cause d’effroi.<br />

Dans les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, il y a bien présence du sacré, réapparition <strong>de</strong><br />

dieux morts, mais nous n’allons pas vers un univers <strong>de</strong> fictions terrifiantes, pas <strong>de</strong> sombre<br />

mythologie à la Lovecraft. <strong>Le</strong> regard <strong>de</strong>s personnages principaux est celui d’un homo<br />

religiosus qui possè<strong>de</strong> un intérêt pour les religions primitives, en particulier <strong>dans</strong> La Ville<br />

<strong>de</strong> sable et Nous avons traversé la montagne, se sent proche <strong>de</strong>s éléments et veut<br />

appréhen<strong>de</strong>r « l’essence intime <strong>de</strong>s choses au-<strong>de</strong>là du vêtement <strong>de</strong>s apparences » 249 . Pour<br />

le narrateur, metteur en scène d’un univers <strong>fantastique</strong>, la nature est vivante. Il est très<br />

proche <strong>de</strong> la pensée et <strong>de</strong> la sensibilité <strong>de</strong>s romantiques allemands qui s’épanouit durant la<br />

pério<strong>de</strong> charnière XVIII e - XIX e siècles. À cette époque se développe un intérêt particulier à<br />

l’égard <strong>de</strong>s visages secrets <strong>de</strong> la nature, un désir d’appréhen<strong>de</strong>r le réel <strong>dans</strong> sa profon<strong>de</strong>ur,<br />

partagé par ceux que l’on a appelé les Naturphilosophen, les philosophes <strong>de</strong> la nature. Pour<br />

les tenants <strong>de</strong> cette philosophie, les choses ne sont pas inertes, possè<strong>de</strong>nt une vie cachée,<br />

sont en perpétuel <strong>de</strong>venir, portées et modifiées par le mouvement même <strong>de</strong> la vie. Cette<br />

philosophie trouve une ample expression <strong>dans</strong> les œuvres <strong>de</strong> poètes tels que Novalis,<br />

Tieck, Jean-Paul Richter, Höl<strong>de</strong>rlin. Pour eux, le paysage est tout pénétré <strong>de</strong> sacré, et cette<br />

présence du sacré est génératrice d’inquiétu<strong>de</strong>.<br />

Pour les héros <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, le grand Pan n’est pas mort. Une légen<strong>de</strong><br />

ancienne rapporte qu’à la fin <strong>de</strong> l’antiquité, sur les rives <strong>de</strong>s mers et <strong>de</strong>s fleuves, à la lisière<br />

<strong>de</strong>s forêts, au seuil <strong>de</strong>s déserts un murmure s’est élevé et s’est transformé en cri : le grand<br />

247 Michel Viegnes, <strong>Le</strong> Fantastique, op. cit., p.224.<br />

248 Antoine Faivre, « Genèse d’un genre narratif, le <strong>fantastique</strong> (essai <strong>de</strong> périodisation) », La Littérature<br />

<strong>fantastique</strong>, Cahiers <strong>de</strong> l’hermétisme, Colloque <strong>de</strong> Cerisy, Paris, Albin Michel, 1991 p.38.<br />

249 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, <strong>dans</strong> l’introduction à De la peinture <strong>de</strong> paysage <strong>dans</strong> l’Allemagne romantique, Paris,<br />

Klincksieck, 1983, p.9.

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