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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

l’information n’a pas été donnée. <strong>Le</strong> récit est jalonné d’expressions telles que « ai-je déjà<br />

parlé <strong>de</strong> lui ? », « j’ai dit – ou le dirai-je ? – », « j’ai déjà dit que (…) », « ai-je dit que<br />

(…) », « ai-je dit aussi (…) ».<br />

Il y a <strong>dans</strong> le roman <strong>de</strong>s effets d’anticipation. Au début du roman, la fin est déjà<br />

racontée : « Cette fin, je le sais, la ville l’attend. Elle en porte la condamnation » (A, 42).<br />

Ce pressentiment est partagé par l’archiviste-paysan : « Il savait bien que la ville ne me<br />

gar<strong>de</strong>rait pas longtemps » (A, 52). À diverses reprises le narrateur fait allusion à <strong>de</strong>s<br />

événements qui auront lieu plus tard, au regard d’une chronologie normale. Il parle par<br />

exemple <strong>de</strong>s caves d’Olovsen alors qu’il n’y accé<strong>de</strong>ra que « beaucoup plus tard ». Il livre<br />

<strong>de</strong>s informations sur certains personnages à contre-temps, introduit par exemple le<br />

personnage du Musikant et commence par faire le récit <strong>de</strong> sa mort : « Puisque l’occasion<br />

vient <strong>de</strong> parler du « Musikant » (…) je raconterai sans délai les circonstances <strong>de</strong> sa mort »<br />

(A, 65). <strong>Le</strong> narrateur rencontre le personnage du Grimpeur le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> son arrivée<br />

<strong>dans</strong> la ville, et il est déjà question <strong>de</strong> sa mort qui est relatée <strong>dans</strong> la troisième partie du<br />

roman. Enfin, il signale qu’il n’évoque qu’une partie <strong>de</strong>s personnages rencontrés :<br />

« Depuis que j’habite cette ville, je me suis fait <strong>de</strong>s amis ; j’en nomme quelques-uns <strong>dans</strong><br />

ce journal » (A, 187).<br />

Il reste donc toujours <strong>de</strong>s « blancs » étalés sur <strong>de</strong> longues pério<strong>de</strong>s. Ces<br />

« blancs » sont à l’image <strong>de</strong> la vie, elle-même complexe et difficile à appréhen<strong>de</strong>r. « Il est<br />

absur<strong>de</strong>, dit le narrateur, <strong>de</strong> parler d’ « ordre » quand sont en cause les discordants<br />

phénomènes <strong>de</strong> la vie » (A, 58). En somme la présence <strong>de</strong>s blancs contribue à l’effet d’un<br />

réel problématique.<br />

L’entreprise du narrateur est bien éloignée <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> l’archiviste-paysan qui<br />

tient rigoureusement à jour les chroniques relatives à l’histoire <strong>de</strong> la ville. L’archivistepaysan<br />

est l’homme <strong>de</strong> la terre ferme et <strong>de</strong>s certitu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> la « sécheresse linéaire <strong>de</strong> la<br />

chronique <strong>de</strong>s temps et <strong>de</strong>s lieux » (A, 55). <strong>Le</strong> narrateur est au contraire l’homme du<br />

fragmentaire, et nous pouvons nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi il accor<strong>de</strong> tant d’importance au<br />

lacunaire. « Je ne raconte pas une histoire », dit-il, mais Algues est pourtant bien un<br />

roman ! Un passage très intéressant nous donne <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> réponse :<br />

L’habitu<strong>de</strong> que j’ai prise <strong>de</strong> noter, au hasard <strong>de</strong>s souvenirs, ce qui me revient en mémoire, fait que<br />

certains évènements furent décrits immédiatement après qu’ils eurent lieu, d’autres<br />

provi<strong>de</strong>ntiellement repêchés au moment où les sables mouvants <strong>de</strong> l’oubli allaient les recouvrir.<br />

Sous le discontinu, peut-être un esprit plus vif saisirait-il une continuité moins évi<strong>de</strong>nte que n’en<br />

apporte une sage narration au jour le jour, plus rassurante à tous égards. (A, 95)<br />

La <strong>de</strong>uxième phrase laisse entendre une cohérence cachée qu’un lecteur attentif<br />

doit être capable <strong>de</strong> saisir. <strong>Le</strong> drame ne se situe pas au niveau du temps ordinaire, du temps

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