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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

La notion <strong>de</strong> passage est au cœur <strong>de</strong> tous les romans. En ce sens, nous sommes en<br />

présence, comme le dit Wolfgang Friedrichs d’une littérature placée « sous le signe<br />

d’Hermès » 385 . Dans le mythe <strong>de</strong> Perséphone, Hermès joue le rôle <strong>de</strong> passeur. Il est porteur<br />

<strong>de</strong> messages que Zeus envoie à Hadès et à Déméter. Il va chercher aussi Coré <strong>dans</strong> les<br />

territoires souterrains et l’ai<strong>de</strong> à monter sur son char. Dans la mythologie grecque, il est<br />

conducteur <strong>de</strong>s âmes, dieu <strong>de</strong> la circulation et <strong>de</strong> l’échange, et accompagne les morts <strong>dans</strong><br />

l’au-<strong>de</strong>là. Dans certains romans, L’Ombre d’un arbre mort, et surtout La Fête <strong>de</strong> la Tour<br />

<strong>de</strong>s Âmes, il apparaît sous les traits du marquis Ermete <strong>de</strong>i Marmi, gentilhomme italien.<br />

Au début <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes, Ermete vient assister, <strong>dans</strong> un hôtel, à<br />

la mort d’un ami du narrateur. La mort est décrite non comme une fin, mais comme le<br />

début d’un voyage :<br />

<strong>Le</strong> directeur <strong>de</strong> l’hôtel se détourna <strong>de</strong> ce spectacle pénible qu’est toujours le départ d’une âme<br />

vers l’inconnu (…). <strong>Le</strong> prêtre avait achevé les Psaumes <strong>de</strong> la Pénitence. Il baissa la tête entre ses<br />

mains et murmura à l’adresse du mourant les conseils nécessaires au voyageur qui va s’engager<br />

sur <strong>de</strong> difficiles et dangereux chemins. (FTA, 15)<br />

On reconnaît ici une allusion à la prière orphique telle qu’elle est formulée <strong>dans</strong><br />

Un Enfant <strong>de</strong> la terre et du ciel. À ce moment là, le narrateur est le seul témoin d’un<br />

mouvement que fait Ermete :<br />

La tête levée, il paraissait suivre <strong>de</strong>s yeux quelque chose qui volait au milieu <strong>de</strong> la chambre, et,<br />

soudain, sa main preste <strong>de</strong> chasseur <strong>de</strong> papillons rabattit brusquement le chapeau tyrolien sur un<br />

être ailé invisible dont la capture lui procura le plus évi<strong>de</strong>nt plaisir. (FTA, 15)<br />

<strong>Le</strong> lecteur se rappelle le symbolisme antique du papillon dont on trouve<br />

l’expression chez Platon. L’âme humaine possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ailes, et le papillon est emblème <strong>de</strong><br />

cette âme immortelle qui, sortant <strong>de</strong> son cocon, débarrassée <strong>de</strong> son enveloppe charnelle,<br />

s’envole vers l’au-<strong>de</strong>là. Ermete propose au narrateur, qui lui a ensuite rendu visite <strong>dans</strong> sa<br />

luxueuse <strong>de</strong>meure, <strong>de</strong> l’emmener faire une promena<strong>de</strong> en bateau. Cette promena<strong>de</strong> va le<br />

mener, en compagnie d’autres voyageurs, vers le village <strong>de</strong> Torre <strong>de</strong>lle Anime, la Tour <strong>de</strong>s<br />

Âmes. <strong>Le</strong> bateau est donc choisi <strong>dans</strong> ce roman comme véhicule <strong>fantastique</strong>.<br />

<strong>Le</strong> bateau est très présent <strong>dans</strong> l’univers <strong>de</strong>s romans. <strong>Le</strong> voilier <strong>de</strong> haute mer,<br />

<strong>dans</strong> le chapitre XXIII <strong>de</strong>s Vaines Montagnes permet aux enfants d’un conte chinois<br />

d’accé<strong>de</strong>r aux « Îles Bienheureuses », aux « îles inaccessibles au commun <strong>de</strong>s hommes, ces<br />

lieux <strong>de</strong> l’extrême ailleurs qui sont les <strong>de</strong>meures <strong>de</strong>s mythes » (VM, 262). La barque du<br />

passeur <strong>de</strong> Nous avons traversé la montagne permet aux voyageurs <strong>de</strong> franchir un fleuve<br />

tumultueux pour parvenir jusqu‘aux montagnes qui constituent le but du voyage. Après <strong>de</strong><br />

385 Wolfgang Friedrichs, Rituale <strong>de</strong>s Übergangs, op. cit., p.409.

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