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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

sent un intrus, ils aiment le moment indécis que l’on appelait autrefois « entre chien et<br />

loup », la pénombre <strong>de</strong>s chambres avant que les lampes soient allumées, le brouillard<br />

blanchâtre », écrit <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> 620 . Cette phrase est à rapprocher <strong>de</strong> ce que dit Ermete à la<br />

fin <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes : « <strong>Le</strong> grand jour effraie les fantômes et les décourage,<br />

mais les ténèbres leur restituent une énergie quasi infernale » (FTA, 231). Sur cette toile <strong>de</strong><br />

fond crépusculaire, les fantômes apparaissent comme silhouettes <strong>dans</strong> un théâtre d’ombres,<br />

en particulier <strong>dans</strong> Nous avons traversé la montagne :<br />

<strong>Le</strong> crépuscule s’achevait lorsque sont apparus <strong>dans</strong> le jour grisâtre qui s’éteignait et qui gardait<br />

cependant une transparence <strong>de</strong> cristal, d’abord un cavalier solitaire, galopant face aux proches<br />

ténèbres, puis d’autres cavaliers, par dizaines, <strong>de</strong>ssinés en silhouette avec une acuité singulière sur<br />

le ciel pâle, à l’horizon du désert. (NATM, 105)<br />

La phrase assez longue correspond à une certaine durée du crépuscule suggérée<br />

par les verbes à l’imparfait, à la gran<strong>de</strong>ur aussi du paysage désertique. <strong>Le</strong> mot<br />

« silhouette » est plusieurs fois répété durant le chapitre. Un spectacle comparable à celui<br />

que proposeraient <strong>de</strong>s « ombres chinoises » commence. Ceci rappelle l’art <strong>de</strong> la silhouette<br />

dont <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> parle à différentes reprises 621 . Cet art s’est développé à la fin du XVIII e<br />

siècle. Pour <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, il s’agit d’un phénomène esthétique « significatif d’une époque<br />

où l’ombre commence à jouer un rôle capital <strong>dans</strong> l’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette époque <strong>de</strong><br />

transition à la charnière du Rococo et du Romantisme » 622 . Il évoque la technique du <strong>de</strong>ssin<br />

et celle du découpage qui permettait <strong>de</strong> faire sortir « <strong>de</strong> l’inerte feuille <strong>de</strong> papier noir le<br />

contour d’un corps, ou d’un visage » 623 .<br />

Tout comme le théâtre d’ombres, le crépuscule suscite un état psychique fait<br />

d’inquiétu<strong>de</strong> ou d’angoisse, à l’opposé <strong>de</strong> l’aube qui tend à évacuer les incertitu<strong>de</strong>s. Il<br />

s’associe, <strong>dans</strong> La Ville <strong>de</strong> sable, à la tempête qui elle aussi rend le mon<strong>de</strong> vacillant, rend<br />

le crépuscule encore plus dangereux, provoque chez le narrateur un redoutable<br />

engourdissement. « <strong>Le</strong> soleil blafard et gris » disparaît, et la nuit vient « presque<br />

imperceptiblement » (VS, 14-15). À la fin <strong>de</strong> cet épiso<strong>de</strong>, la ville apparaît « <strong>dans</strong> la lumière<br />

grisâtre du petit jour », et tout est éclairé par un soleil nouveau : « Un homme ouvre sa<br />

porte, sort <strong>dans</strong> la rue, et, la tête renversée en arrière, regar<strong>de</strong> pousser le soleil levant » (VS,<br />

21). <strong>Le</strong> crépuscule s’associe, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, et surtout <strong>dans</strong> Château<br />

d’ombres au brouillard qui limite le champ visuel. Au début du roman, le soleil brille, et<br />

620 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Quatre siècles <strong>de</strong> surréalisme, op. cit., p.10.<br />

621 Dans Peinture romantique, op. cit., p.209 ; <strong>dans</strong> Mémoires d’une vie incertaine, op. cit., p.210 ; et <strong>dans</strong><br />

<strong>Le</strong>s Vaines Montagnes, chapitre quatorze.<br />

622 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Peinture romantique, op. cit., p.209.<br />

623 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Mémoires d’une vie incertaine, op. cit., p.211.

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