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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

formes adjectivales <strong>de</strong>s verbes, ce qui révèle une importance donnée au qualitatif, à la<br />

qualité <strong>de</strong>s objets et <strong>de</strong>s êtres.<br />

D’autres labyrinthes appartiennent à l’avenir, et sont annoncés, en particulier par<br />

le <strong>de</strong>vin <strong>de</strong> Nous avons traversé la montagne :<br />

<strong>Le</strong> <strong>de</strong>vin avait vu, pour ce qui nous concernait, <strong>de</strong>s chaînes <strong>de</strong> montagnes s’engendrer ellesmêmes<br />

et agencer <strong>de</strong> nouveaux obstacles, <strong>de</strong>s montagnes au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>squelles, si nous y parvenions,<br />

nous ignorerions ce que nous en découvririons, au terme <strong>de</strong> cette interminable et harassante<br />

marche, à laquelle je ne sais pourquoi nous nous étions d’un accord commun condamnés sur la<br />

foi donnée par nous aux élucubrations d’un mendiant hindou qui, lui-même, n’était jamais allé <strong>de</strong><br />

l’autre côté <strong>de</strong> ces montagnes et ne pouvait qu’imaginer, sans preuves et sans expérience<br />

personnelle, comment on y vivait (et même si on y vivait). (NATM, 57)<br />

Aux subordonnées relatives, à une subordonnée conditionnelle enchâssée,<br />

succè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s interrogations indirectes. <strong>Le</strong> mot « montagne » est répété, accompagné d’un<br />

indéfini au pluriel, ce qui évoque différents obstacles successifs. L’effet <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur est<br />

renforcé par l’utilisation d’opérateurs topologiques « au-<strong>de</strong>là », « au terme », « <strong>de</strong> l’autre<br />

côté ». L’objectif est <strong>de</strong> donner l’impression d’un labyrinthe infini dont les voyageurs ne<br />

sont pas certains <strong>de</strong> sortir un jour parce qu’il est composé d’une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> chemins<br />

entrecroisés et d’obstacles. De même que la phrase est constituée d’une succession <strong>de</strong><br />

subordonnées, <strong>de</strong> même le labyrinthe est fait d’une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> seuils, <strong>de</strong> portes et<br />

d’écrans qu’il s’agit <strong>de</strong> franchir. À différents seuils sont livrées <strong>de</strong>s paroles oraculaires<br />

comme celle-ci, et le roman est jalonné d’ « avertissements » apportant <strong>de</strong>s indications peu<br />

précises sur le chemin à parcourir 521 .<br />

Il est intéressant d’observer l’évolution du style dès lors que le héros est<br />

confronté à l’événement <strong>fantastique</strong>. <strong>Le</strong> but <strong>de</strong> l’écriture <strong>fantastique</strong> est <strong>de</strong> diminuer, voire<br />

d’éliminer la distance entre l’observateur et la chose observée, comme nous pouvons le<br />

vérifier <strong>dans</strong> la première séquence narrative <strong>de</strong> L’Ombre d’un arbre mort. Dans un premier<br />

temps, l’observateur approche avec une certaine hésitation, et le langage pose la distance.<br />

Nous nous situons là à un niveau d’inquiétu<strong>de</strong>. <strong>Le</strong>s verbes ont tendance à traduire le<br />

mouvement et l’éloignement : « Ce matin-là, je m’éloignai donc du château et m’enfonçai<br />

à travers les bois que l’on atteignait (…). Je traversai (…) » (OAM, 9). <strong>Le</strong>s impressions<br />

prennent <strong>de</strong> l’importance, et une distinction est faite entre l’être et le paraître : « L’air me<br />

paraissait moins lourd (…). C’était à la rencontre <strong>de</strong> cet événement que je m’avançais à<br />

521 <strong>Le</strong>s seuils apparaissent aussi <strong>dans</strong> les récits <strong>de</strong> rêves. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> utilise toutes les ressources <strong>de</strong> la<br />

ponctuation. Un exemple : « Et c’est <strong>de</strong>vant un tableau noir que m’amène ce rêve ; par la fenêtre ouverte je<br />

vois un préau d’école <strong>de</strong> village et <strong>de</strong>s gamins qui jouent silencieusement ; d’après leurs sautillements, je<br />

<strong>de</strong>vine : la marelle. » (NATM, 171)

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