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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Tout autour s’enroulaient, s’entortillaient <strong>de</strong>s buissons d’églantiers peints <strong>de</strong> vert et argent. <strong>Le</strong>s<br />

surfaces libres <strong>de</strong>s glaces où cette végétation baroque ne poussait pas conservaient les images<br />

immobiles du long piano, couleur d’alezan, <strong>de</strong> la harpe, sœur <strong>de</strong>s cygnes dorés qui décoraient la<br />

courbe <strong>de</strong> son cou, d’une contrebasse au ventre opulent qui somnolait appuyée contre une petite<br />

chaise. (VM, 73)<br />

Là aussi nature et artifice se mélangent, réalités et reflets, comme <strong>dans</strong> le pavillon<br />

Amalienburg, et tout cet univers est étroitement associé aux objets et à la musique. <strong>Le</strong><br />

salon ovale du Journal du visiteur est aussi caractéristique du goût <strong>de</strong> cette époque où est<br />

recherchée la dominante intime <strong>de</strong>s petites pièces et <strong>de</strong>s petits salons. C’est là, <strong>dans</strong> ce<br />

cabinet hollandais que le héros découvre <strong>de</strong>ux tableaux : un portrait qui va lui permettre<br />

une première rencontre avec Adélaï<strong>de</strong> <strong>de</strong>s hêtres et une nature-morte. <strong>Le</strong>s objets prennent<br />

valeur <strong>de</strong> symboles, <strong>de</strong> signes, et font allusion à la précarité <strong>de</strong> la vie, au processus <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>struction qui est sans cesse à l’œuvre <strong>dans</strong> tout ce qui vit. C’est le thème principal <strong>de</strong><br />

L’Ombre d’un arbre mort, roman fortement teinté <strong>de</strong> nostalgie : tout ce que nous avons<br />

aimé, que nous aimons est détruit, brisé, nous sera rendu peut-être si nous entrons <strong>dans</strong> une<br />

autre modalité du temps. Ce thème est associé à celui <strong>de</strong> l’inanité sonore, <strong>de</strong> la musica<br />

callada, <strong>de</strong> la musique qui s’est tue. Mais la « contrebasse au ventre opulent » ne fait que<br />

somnoler… Ilse, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, entre <strong>dans</strong> la salle <strong>de</strong>s vanités, lieu<br />

<strong>de</strong> méditation préféré <strong>de</strong>s Fils <strong>de</strong>s Étoiles. Elle visite une vaste chambre sépulcrale où <strong>de</strong>s<br />

squelettes automates se livrent à un étrange ballet, sur une musique <strong>de</strong> Haydn. « Tout au<br />

mon<strong>de</strong> est illusion » dit la princesse qui l’accompagne (CPI, 210).<br />

<strong>Le</strong> thème du jardin baroque est récurrent, <strong>dans</strong> la plupart <strong>de</strong>s romans, et il est<br />

possible <strong>de</strong> comparer l’ensemble <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> à un vaste jardin où le lecteur<br />

peut venir se promener. <strong>Le</strong>s jardins mis en scène <strong>dans</strong> les romans sont <strong>de</strong>s espaces<br />

comparables à ceux qui sont nés en Angleterre autour <strong>de</strong> 1730, créés par les jardinierspaysagistes<br />

cités <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Vaines Montagnes : Kent, Capability Brown, Chambers (VM,<br />

42). Ces jardins témoignent d’une passion pour l’antiquité, d’un attrait pour les terres<br />

lointaines, d’une passion pour une nature moins organisée que <strong>dans</strong> les jardins classiques,<br />

qui bouleverse les sens, d’un goût pour le mystérieux et le <strong>fantastique</strong>. Dans les jardins <strong>de</strong><br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, on remarque l’importance <strong>de</strong>s miroirs d’eau, <strong>de</strong>s fontaines fréquemment<br />

associées aux voix chantantes, et la présence <strong>de</strong> « fabriques », <strong>de</strong> chambres <strong>de</strong> verdure, <strong>de</strong><br />

rocailles, <strong>de</strong> pavillons faux-chinois, d’ermitages, <strong>de</strong> grottes, <strong>de</strong> casca<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> ponts et <strong>de</strong><br />

« Folies ». Toutes ces constructions correspon<strong>de</strong>nt au goût d’une société du XVIII e siècle<br />

qui aspire à <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>, d’intimité, qui construit <strong>dans</strong> les parcs <strong>de</strong>s pavillons où<br />

il est possible <strong>de</strong> méditer, <strong>de</strong> rêver, d’aimer. <strong>Le</strong>s fausses chapelles et les fausses ruines<br />

répon<strong>de</strong>nt au besoin <strong>de</strong> s’écarter <strong>de</strong> la vie ordinaire qui disperse l’individu et <strong>de</strong> se retirer

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