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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

preuves sincères <strong>de</strong> la réalité », dit le narrateur d’Algues (A, 203), et pour celui <strong>de</strong> La Folie<br />

Céladon, les sens sont « les seules choses en ce mon<strong>de</strong> peut-être qui ne nous trompent<br />

pas » (FC, 149). <strong>Le</strong> héros ne cesse d’être investi, touché, bouleversé par l’univers qui est<br />

autour <strong>de</strong> lui. En même temps, c’est par cette voie qu’autre chose peut être perçu. De ce<br />

point <strong>de</strong> vue, les animaux ont <strong>de</strong>s privilèges par rapport aux humains, car ils ont une plus<br />

gran<strong>de</strong> capacité à percevoir ce qui se manifeste autour d’eux, en particulier les chevaux, et<br />

les chiens. <strong>Le</strong> doberman du Journal du visiteur est attentif aux objets, se met en éveil dès<br />

que l’insolite est susceptible <strong>de</strong> se produire, et confirme la présence d’un <strong>fantastique</strong><br />

dissimulé <strong>dans</strong> les replis <strong>de</strong> la maison et du jardin. Ses perceptions « nous <strong>de</strong>vancent et<br />

nous dépassent » (JV, 28).<br />

<strong>Le</strong>s cinq sens sont donc tendus vers une connaissance qui va au-<strong>de</strong>là du simple<br />

quotidien pour atteindre un autre territoire. Pour cela, il est nécessaire que le héros<br />

n’apparaisse pas comme un pur intellectuel. Il est cultivé certes, faisant <strong>de</strong> multiples<br />

allusions au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’art, mais chez lui la réflexion ne se referme pas sur elle-même,<br />

reste ouverte à ce que le mon<strong>de</strong> peut offrir.<br />

Aux trois niveaux du regard correspon<strong>de</strong>nt les trois parties <strong>de</strong> La Folie Céladon,<br />

préfigurées <strong>dans</strong> le paragraphe suivant :<br />

L’aubergiste ne m’a livré que ce qu’il savait, un schéma, le contour extérieur <strong>de</strong>s événements, les<br />

circonstances <strong>de</strong> la catastrophe et la silhouette <strong>de</strong>s personnes qui y sont mortes. Comment en<br />

aurait-il su plus long, puisque l’acci<strong>de</strong>nt n’a laissé aucun survivant qui ait pu raconter la manière<br />

dont le pavillon a pris feu ? Carsten m’en a dit davantage, mais ce que j’ai appris <strong>de</strong> plus utile,<br />

peut-être <strong>de</strong>s affinités profon<strong>de</strong>s me l’ont-elles enseigné. Et puis il y a <strong>de</strong>s choses qui restent <strong>dans</strong><br />

l’air… (FC, 23)<br />

<strong>Le</strong> premier niveau correspond à ce que Schwarz raconte du drame <strong>dans</strong> la<br />

première partie, le <strong>de</strong>uxième au témoignage <strong>de</strong> Carsten dont le regard est plus profond, le<br />

troisième à la tentative que fait le narrateur <strong>de</strong> découvrir par lui-même, s’appuyant sur sa<br />

propre intuition et sa sympathie, en vertu d’affinités mystérieuses, ce qui s’est passé. Son<br />

regard <strong>de</strong>vient visionnaire, et compose un tableau que jamais personne n’a pu voir : « Je<br />

vois – oui, je vois – la robe feuille morte d’Erika et la tache rose du bouquet <strong>dans</strong> ses<br />

cheveux, et la main qu’elle agite pour l’adieu vers ceux qui sont restés <strong>dans</strong> le pavillon »<br />

(FC, 185).<br />

Schwarz, l’hôtelier, est un enregistreur. Il voit les événements, le temps qu’il<br />

faisait à ce moment-là qui pour lui est déterminant. Il en tire <strong>de</strong>s conclusions. C’est un<br />

personnage présenté avec humour, qui raconte les événements vus <strong>de</strong> l’extérieur ou<br />

rapportés par les domestiques présents sur les lieux. Il ne livre qu’une « silhouette », ne<br />

dépasse pas le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> la « confi<strong>de</strong>nce », <strong>de</strong> la chose vue sur place. C’est d’ailleurs lui qui

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