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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>de</strong> relief <strong>dans</strong> une œuvre tout entière consacrée au mouvement, au dynamisme, et où les<br />

thèmes du voyage et <strong>de</strong> la métamorphose sont constants. <strong>Le</strong> narrateur <strong>de</strong> L’Ermite au<br />

masque <strong>de</strong> miroir se voue à l’ « ailleurs », et ressent <strong>de</strong> l’horreur « pour le mot fixe –<br />

corollairement se fixer » (EMM, 114). <strong>Le</strong> responsable <strong>de</strong> cette peur est l’entomologiste qui<br />

fige au fond <strong>de</strong> ses boîtes les insectes qu’il a capturés et prend le caractère méchant « <strong>de</strong><br />

certains personnages <strong>de</strong>s contes <strong>de</strong> mon très cher Hoffmann » (EMM, 115).<br />

L’immobilisation va à l’encontre d’une <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> la vie, et <strong>de</strong> cette idée antique selon<br />

laquelle l’âme voyage, et poursuit son inlassable quête en prenant l’aspect d’un papillon ou<br />

d’un oiseau.<br />

L’immobilité physique et morale se double d’une fixation <strong>de</strong> l’espace et du<br />

temps. Ainsi <strong>dans</strong> L’Ombre d’un arbre mort : « J’attendais (…) le geste libérateur capable<br />

<strong>de</strong> briser l’enchantement <strong>de</strong> cet immobile midi, pivot du jour autour duquel les heures<br />

avaient cessé <strong>de</strong> tourner » (OAM, 17). L’impression d’immobilité <strong>de</strong> l’espace est donnée<br />

par la référence à la peinture : « Combien <strong>de</strong> temps pourront durer cette immobilité, ce<br />

silence, qui font songer à une peinture d’une splen<strong>de</strong>ur mystérieusement in<strong>de</strong>scriptible, à<br />

<strong>de</strong>s choses terribles et sacrées ? » (OAM, 13). Lorsque temps et espace sont figés, le<br />

<strong>fantastique</strong> peut s’insinuer sous différentes formes : apparition <strong>de</strong> la fille du dieu Pan, <strong>dans</strong><br />

Un Enfant <strong>de</strong> la terre et du ciel, <strong>de</strong> châteaux fantômes <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse<br />

Ilse, d’animaux surnaturels tels que le serpent <strong>dans</strong> De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt, ou le cheval<br />

tout droit venu <strong>de</strong>s enfers ou <strong>de</strong>s toiles <strong>de</strong> Füssli <strong>dans</strong> L’Ombre d’un arbre mort, <strong>de</strong> l’âme<br />

en peine du Journal du visiteur. C’est en effet « vers l’heure <strong>de</strong> midi » que le visiteur<br />

s’installe <strong>dans</strong> un petit pavillon situé à l’extrémité du parc, là où il jouxte la forêt. Il<br />

s’installe sur <strong>de</strong>s lisières spatiales et temporelles (JV, 125). « À l’heure <strong>de</strong> midi », les bois<br />

« exotiques » du pavillon sont « exceptionnellement chauds » et environnent le visiteur<br />

« d’o<strong>de</strong>urs étourdissantes ». Adélaï<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Hêtres profite <strong>de</strong> ce moment particulier pour<br />

apparaître : « Adélaï<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Hêtres a traversé le grand rai <strong>de</strong> soleil qui coupe en <strong>de</strong>ux le<br />

pavillon, <strong>de</strong> la porte jusqu’au banc rustique où je suis assis » (JV, 132). <strong>Le</strong>s voyageurs <strong>de</strong><br />

Nous avons traversé la montagne s’installent à l’heure <strong>de</strong> midi, en plein désert, à l’ombre<br />

d’un surplomb rocheux, et entrent <strong>dans</strong> « le mauvais sommeil <strong>de</strong> midi » (NATM, 40).<br />

L’entrée <strong>dans</strong> le cauchemar est l’occasion d’un nouveau changement d’éclairage. Nous<br />

passons <strong>de</strong> l’éblouissante lumière du désert à une scène nocturne <strong>de</strong> retour <strong>de</strong> chasse, <strong>dans</strong><br />

l’atmosphère étouffante <strong>de</strong> rites primitifs. Endormi, le narrateur est la proie <strong>de</strong>s « démons<br />

méridiens », et ce n’est que lorsque le soleil sera <strong>de</strong>scendu <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la falaise,<br />

lorsque le crépuscule reviendra, que les voyageurs encore lourds <strong>de</strong> leurs rêves, pourront se<br />

remettre en route, c'est-à-dire se délivrer enfin <strong>de</strong> l’immobilité.

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