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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

les arrière-plans <strong>de</strong>s tableaux <strong>de</strong> Léonard <strong>de</strong> Vinci ou <strong>de</strong> Caspar David Friedrich, et surtout<br />

un paysage à dimension symbolique qui associe l’idée <strong>de</strong> mort et l’idée <strong>de</strong> naissance, les<br />

<strong>de</strong>ux émotions majeures qui encadrent toute existence 257 . À ces données spatiales s’ajoute<br />

une indication temporelle. La rencontre a lieu au moment du crépuscule, temps <strong>de</strong> frontière<br />

durant lequel le jour gar<strong>de</strong> une « transparence <strong>de</strong> cristal » et les cavaliers nouvellement<br />

apparus chevauchent <strong>dans</strong> le « désert ténébreux ».<br />

Au sein <strong>de</strong> ce paysage particulier a lieu donc cette rencontre avec les cavaliers du<br />

désert. Parmi les éléments du numineux, il y a d’abord le mystère, mot souvent utilisé par<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> ses romans. Et, nous explique Rudolf Otto, il faut distinguer un sens<br />

affaibli <strong>de</strong> ce mot et un autre sens. Au sens affaibli, le mystère est quelque chose <strong>de</strong> secret,<br />

d’incompris, d’inexpliqué mais qui doit finir par trouver éclaircissement. <strong>Le</strong> mystère, <strong>dans</strong><br />

la perspective <strong>de</strong> Rudolf Otto, c’est le « Tout-autre » (das ganz An<strong>de</strong>re), « ce qui est en<br />

<strong>de</strong>hors du domaine <strong>de</strong>s choses habituelles, comprises, bien connues et pourtant<br />

familières », ce qui n’est pas compris et le <strong>de</strong>meure :<br />

L’objet réellement mystérieux est insaisissable et inconcevable non seulement parce que ma<br />

connaissance relative à cet objet a <strong>de</strong>s limites déterminées et infranchissables, mais parce qu’ici je<br />

me heurte à quelque chose <strong>de</strong> « tout autre », à une réalité qui, par sa nature et son essence, est<br />

incommensurable et <strong>de</strong>vant lequel je suis saisi <strong>de</strong> stupeur. 258<br />

Face au mysterium la première réaction est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> l’étonnement. Il s’agit <strong>de</strong><br />

l’état <strong>de</strong> l’homme qui reste bouche bée, interdit <strong>de</strong>vant ce qui n’a pas <strong>de</strong> nom,<br />

« l’inexplicable », « l’inadmissible », voire le vertige, comme <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la<br />

princesse Ilse : « J’étais, moi, frappé <strong>de</strong> ce début <strong>de</strong> vertige qui nous saisit au contact du<br />

tout à fait autre » (CPI, 254). Alors qu’ apparaissent les cavaliers, les voyageurs éprouvent<br />

« un étonnement mêlé au soupçon » (NATM, 107). Tout au long <strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong>, nous allons<br />

retrouver les différents éléments liés au tremendum : la peur, la majestas, puissance<br />

ressentie comme existant hors <strong>de</strong> soi, l’énergie, le fascinant, auxquels s’ajoutent les<br />

différents éléments propres à la Stimmung brionienne, changement <strong>de</strong> nature du paysage,<br />

silence, immobilité, effets lumineux.<br />

Durant la scène, la peur évolue, va en augmentant. L’idée <strong>de</strong> peur apparaît<br />

d’abord sous la forme d’une question : « Pourquoi aurions-nous peur ? » (NATM, 106),<br />

d’une négation : « non par peur puisque nous étions habitués à tous les dangers » (NATM,<br />

107). <strong>Le</strong>s voyageurs éprouvent « un sentiment <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur ou d’angoisse ». L’utilisation du<br />

« ou » introduit à nouveau un élément d’incertitu<strong>de</strong> propice au <strong>fantastique</strong>. Au fur et à<br />

257 Voir illustrations 7 et 8.<br />

258 Rudolf Otto, <strong>Le</strong> Sacré, op. cit.,p.49.

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