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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Sylvestre, sont animés par « l’irruption <strong>de</strong> l’inconnu, <strong>de</strong> l’impossible ». Mais il existe,<br />

précise-t-il, un autre aspect du <strong>fantastique</strong> <strong>dans</strong> les grands romans, <strong>Le</strong> Vase d’Or, Princesse<br />

Brambilla, <strong>Le</strong>s Élixirs du diable <strong>dans</strong> lesquels le <strong>fantastique</strong>, comme chez Tieck, est « la<br />

voie <strong>de</strong> l’initiation » 574 .<br />

Pour Hoffmann enfin, le <strong>fantastique</strong> est partout, caché <strong>dans</strong> les objets familiers<br />

qui nous observent, influent sur notre vie. « Car le romantisme, dit <strong>Marcel</strong> Schnei<strong>de</strong>r, ne<br />

concerne pas seulement la littérature, ou même la musique ou les arts : c’est une façon <strong>de</strong><br />

sentir et <strong>de</strong> concevoir le mon<strong>de</strong> » 575 .<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> met en scène <strong>dans</strong> ses romans <strong>de</strong>s narrateurs, qui font <strong>de</strong><br />

nombreuses allusions au romantisme, à Hoffmann, au poète Rückert par exemple <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s<br />

Miroirs et les gouffres, à Caroline <strong>de</strong> Gün<strong>de</strong>ro<strong>de</strong> <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, à<br />

Robert Schumann <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Pré du grand songe, De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt, à Schubert <strong>dans</strong><br />

Nous avons traversé la montagne, <strong>Le</strong>s Vaines Montagnes, Villa <strong>de</strong>s hasards, à la peinture,<br />

à la philosophie d’un Mesmer ou d’un Werner. Dans Château d’ombres, le narrateur<br />

entend « les cavales <strong>de</strong> la nuit » (CO, 68). C’est la traduction du mot allemand Nachtmäre<br />

qui signifie cauchemar, mais c’est aussi sans doute une allusion à l’œuvre du peintre<br />

Füssli. Beaucoup d’autres allusions pourraient être retenues 576 . <strong>Le</strong> lecteur attentif peut, à<br />

l’occasion reconnaître tel ou tel scène peut-être inspirée d’un tableau <strong>de</strong> Moritz von<br />

Schwind 577 :<br />

C’est un <strong>de</strong> ces matins dédiés au bonheur et prometteurs d’une journée qui saura être heureuse,<br />

sans défaillance, jusqu’au soir. Un <strong>de</strong> ces matins où l’on se représente à la maison romantique une<br />

jeune fille, ou un jeune homme, ouvrant sa fenêtre sur un paysage net et clair, et que prend l’envie<br />

joyeuse <strong>de</strong> chanter. (JV, 96)<br />

Tel autre passage <strong>de</strong>scriptif rappelle une image <strong>de</strong> Caspar David Friedrich 578 :<br />

Nos mains s’appuyaient sur ces énormes racines que le vieil arbre semblait vouloir arracher <strong>de</strong><br />

terre comme <strong>dans</strong> un tardif effort pour se libérer. Pareils à <strong>de</strong>s muscles <strong>de</strong> titans que la longue<br />

coulée du temps aurait transformés en <strong>de</strong> gros cordages noueux, presque minéralisés, ces<br />

membres désespérés, partagés entre la nécessité <strong>de</strong> s’agripper plus fort à la roche pour lui<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ai<strong>de</strong> contre la sauvagerie du vent et le désir <strong>de</strong> se débarrasser <strong>de</strong> cette protection qui les<br />

retenait prisonniers <strong>de</strong> sa tyrannique bienveillance, s’immobilisaient <strong>dans</strong> ce soulèvement<br />

convulsif, le <strong>de</strong>rnier avant la mort, <strong>de</strong> glace, <strong>de</strong> fer, <strong>de</strong> granit. (CPI, 246).<br />

574 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Orplid, op. cit., p.81.<br />

575 <strong>Marcel</strong> Schnei<strong>de</strong>r, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> humaniste et passeur, op. cit., p.57.<br />

576 Pour ce qui est <strong>de</strong> la musique, voir les travaux <strong>de</strong> Pierre Brunel <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s arpèges composés, « Un andante<br />

d’outre-tombe », Paris, Klincksieck, 1997, p. 113 à 123.<br />

577 Moritz von Schwind, peintre autrichien (1804-1871). Voir en particulier Die Morgenstun<strong>de</strong> [<strong>Le</strong> Matin],<br />

Munich, Staatsgemäl<strong>de</strong>sammlungen, 1860.<br />

578 Voir illustration 28.

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