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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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auxquels le philosophe et le poète confient la conduite <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> leur vie et <strong>de</strong>s<br />

mouvements <strong>de</strong> leur pensée, n’ont rien <strong>de</strong> commun avec les démons infernaux, mais les<br />

zones d’intervention <strong>de</strong> l’un et <strong>de</strong> l’autre restent floues. L’intervention du <strong>de</strong>vin a<br />

essentiellement une valeur d’avertissement, et il agit comme un ouvreur d’espaces infinis :<br />

« Vous aurez toujours <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong>vant vous… »<br />

3. Mythes littéraires.<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Dans cette gran<strong>de</strong> tapisserie <strong>de</strong> messagers et <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>s viennent se glisser une<br />

autre catégorie <strong>de</strong> personnages qui appartiennent à ce que Pierre Brunel appelle <strong>de</strong>s<br />

« mythes littéraires » 177 . Ces mythes, explique-t-il, sont nés <strong>de</strong>s « récits littéraires<br />

prestigieux auxquels a donné naissance l’Occi<strong>de</strong>nt mo<strong>de</strong>rne ». Dans ce cas, le mythe naît<br />

<strong>de</strong> la littérature elle-même et non plus d’un fond antique.<br />

Dans les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, le nom d’un certain nombre <strong>de</strong> personnages<br />

oriente le lecteur vers <strong>de</strong>s souvenirs littéraires : le docteur Faustel, Merlin et Viviane <strong>dans</strong><br />

L’Enchanteur, Sir John <strong>dans</strong> La Fête <strong>de</strong> la tour <strong>de</strong>s Âmes qui rappelle la figure <strong>de</strong> Don<br />

Juan, ou encore l’Ilse du Château <strong>de</strong> la princesse Ilse qui rappelle la poésie <strong>de</strong> Heinrich<br />

Heine enchâssée <strong>dans</strong> ses Tableaux <strong>de</strong> voyage 178 : « Je suis la princesse Ilse, et j’habite la<br />

roche Ilsenstein. Viens avec moi <strong>dans</strong> mon château, nous y serons heureux ».<br />

Dans la légen<strong>de</strong> racontée par Heine, Ilse est une princesse. Elle s’égare <strong>dans</strong> la<br />

forêt et rencontre une femme étrange, la reine <strong>de</strong>s montagnes qui l’emmène <strong>dans</strong> son<br />

château souterrain et lui montre la splen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> son domaine. Au bout <strong>de</strong> quelques<br />

semaines, Ilse éprouve la nostalgie <strong>de</strong> la surface <strong>de</strong> la terre, <strong>de</strong> son château, <strong>de</strong> ses proches,<br />

et elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la reine <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> la reconduire à la lumière du jour. Elle y<br />

consent à condition qu’Ilse ne parle jamais <strong>de</strong> tout ce qu’elle a vu. Ilse ne tenant pas sa<br />

promesse disparaît à jamais. Dans le roman <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Ilse est une enfant trouvée<br />

<strong>de</strong>venue servante à l’auberge du Calice d’Or, ainsi que nous le révèle l’incipit du roman :<br />

Ilse était ce que l’on pourrait appeler une enfant trouvée, mais une enfant trouvée a d’abord été<br />

une enfant perdue et si c’est l’hôte du Calice d’Or – l’auberge où je loge à Saint-Géréon – qui l’a<br />

découverte un matin d’été alors qu’il allait pêcher <strong>de</strong> très bonne heure – emmaillotée et déposée<br />

sur le banc <strong>de</strong> l’embarcadère, personne ne sait, ni ne peut savoir qui l’a perdue. (CPI, 11)<br />

De ce point <strong>de</strong> vue, elle ressemble beaucoup à la Peregrina du poète Mörike dont<br />

l’histoire est racontée au chapitre XXI <strong>de</strong>s Vaines Montagnes. Peregrina, une enfant,<br />

errante, abandonnée <strong>de</strong> tous a été recueillie par le poète. Pour lui, elle représente l’enfant<br />

177 Pierre Brunel, <strong>dans</strong> la préface au Dictionnaire <strong>de</strong>s mythes littéraires, Éditions du rocher, 1988.<br />

178 Heinrich Heine, Tableaux <strong>de</strong> voyage, Paris, Édition <strong>de</strong> l’Instant, 1989. <strong>Le</strong> poème se trouve p.58.

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