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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Déméter qui inspirent fortement l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Brion</strong> », écrit Wolfgang Friedrichs 377 . Dans De<br />

l’autre côté <strong>de</strong> la forêt, Perséphone se présente sous le visage d’une jeune fille, à peine<br />

sortie <strong>de</strong> l’enfance, qui ne révèle son véritable nom qu’au moment où Adalbert consent à la<br />

suivre au royaume <strong>de</strong>s ombres. Des allusions explicites au mythe apparaissent <strong>dans</strong><br />

d’autres romans, en particulier <strong>dans</strong> L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir, et Algues. <strong>Le</strong> narrateur<br />

assiste, en compagnie d’Algue à la fête <strong>de</strong> la Saint-Jean <strong>dans</strong> un parc d’attraction appelé le<br />

« Paradis ». Au cours <strong>de</strong> cette fête, Algue est entraînée loin <strong>de</strong> lui, et le narrateur part à sa<br />

recherche. Il la retrouve tard <strong>dans</strong> la nuit sur la scène du cirque Méléagre où sont données<br />

<strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong> scènes mythologiques. <strong>Le</strong> spectacle le plus étrange et le plus<br />

éclatant représente le rapt <strong>de</strong> Perséphone qui cause chez le narrateur une véritable<br />

inquiétu<strong>de</strong>. Il sent à quel point cet événement est « affreusement vrai » (A, 217), et<br />

combien Perséphone qui pourtant joue avec ses compagnes est véritablement Algue. Cet<br />

épiso<strong>de</strong> lui rappelle un souvenir d’enfance durant lequel il visite en compagnie d’une petite<br />

fille la ménagerie d’un cirque. Durant cette visite, la petite fille lui paraît « littéralement<br />

absorbée par la présence diabolique » <strong>de</strong> cette bête inconnue (A, 222), « préfiguration<br />

zoomorphe d’Hadès », nous dit Wolfgang Friedrichs. <strong>Le</strong> narrateur revit ce souvenir<br />

effrayant et se rend compte à quel point l’attitu<strong>de</strong> d’Algue est ambiguë, <strong>dans</strong> la mesure où<br />

elle consent à être enlevée par Hadès. Il sait que Algue est à la fois terrestre et qu’elle<br />

appartient aussi au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sirènes. À la fin du roman, après l’engloutissement <strong>de</strong> la<br />

ville d’Algue, elle continue à chanter et à livrer son message : « … Va, et consens à ce que<br />

rien ne <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> tout ce que tu as aimé… » (A, 325).<br />

<strong>Le</strong> mythe est présent sous la forme <strong>de</strong> leitmotiv, en particulier celui <strong>de</strong> la coupe<br />

<strong>de</strong> fruit faisant allusion aux graines <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>, <strong>dans</strong> De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt, mais aussi<br />

<strong>dans</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes, L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir, Château d’ombres, et<br />

<strong>dans</strong> Nous avons traversé la montagne, Berg livre un avertissement solennel à ses<br />

compagnons : « Méfiez-vous <strong>de</strong> la table <strong>de</strong>s ombres » (NATM, 23). Pour <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, le<br />

mythe a un « visage ar<strong>de</strong>nt et ténébreux ». Il décrit ainsi la scène du rapt <strong>dans</strong> son livre<br />

consacré à Rembrandt : « <strong>Le</strong> royaume <strong>de</strong>s mères ouvre subitement ses labyrinthes sombres,<br />

et c’est l’haleine terrible <strong>de</strong> l’au-<strong>de</strong>là qui monte <strong>de</strong> ce gouffre où s’enfonce le char du dieu<br />

<strong>de</strong>s enfers » 378 .<br />

Un certain nombre d’éléments du mythe fascinent <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, et ces éléments<br />

traversent l’œuvre <strong>romanesque</strong> entière. Coré disparaît <strong>de</strong> la surface <strong>de</strong> la terre et fait<br />

377 Wolfgang Friedrichs, Rituale <strong>de</strong>s Übergangs, op. cit., p.402.<br />

378 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Rembrandt, Paris, Albin Michel, 1946, p.68. Voir illustration 11.

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