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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong>s narrateurs ne se contentent pas <strong>de</strong> références ou d’allusions. Ils sont placés<br />

<strong>dans</strong> un univers particulier et ont une sensibilité particulière. <strong>Le</strong> romantisme cesse alors<br />

<strong>dans</strong> une certaine mesure d’appartenir au passé, il est réactualisé <strong>dans</strong> un « état <strong>de</strong><br />

conscience » propre à un Homo romanticus.<br />

Cette notion d’ « état <strong>de</strong> conscience » est mise en avant à diverses reprises par<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, <strong>dans</strong> L’Art romantique : « <strong>Le</strong> romantisme n’est pas un phénomène<br />

esthétique qu’il serait facile <strong>de</strong> localiser à une certaine époque ou <strong>dans</strong> certains pays, mais,<br />

au contraire, un état <strong>de</strong> la conscience humaine (…) ». Cet état <strong>de</strong> la conscience suppose un<br />

état d’inquiétu<strong>de</strong>, l’importance accordée à la notion <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir, un sentiment <strong>de</strong> la nature<br />

lié au lointain et à l’infini, une conscience <strong>de</strong> la tragédie <strong>de</strong> l’être et <strong>de</strong> l’idéal inaccessible.<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> introduit l’idée d’une « âme romantique », sorte <strong>de</strong> prolongement, « <strong>de</strong><br />

nouvel état, <strong>de</strong> l’âme baroque » 579 . <strong>Le</strong> rococo établit un « pont » entre le baroque et le<br />

romantisme, et « apparaît lui-même comme une modification intérieure <strong>de</strong> la sensibilité<br />

baroque, engendrant <strong>de</strong> nouvelles formes qui, à leur tour, stimuleront la sensibilité<br />

romantique » 580 . Dans L’œil, l’esprit et la main du peintre, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> s’interroge « sur<br />

les caractères propres à l’ « homme romantique » – Homo romanticus – », faisant la<br />

distinction entre l’homme romantique français et l’homme romantique allemand. En ce qui<br />

concerne le premier :<br />

La mélancolie l’accable et l’écrase et détruit en lui le goût <strong>de</strong> vivre, l’amour <strong>de</strong> l’action et le désir<br />

<strong>de</strong> réaliser pleinement, sans la société et contre elle au besoin, les aspirations <strong>de</strong> son individualité,<br />

les impératifs <strong>de</strong> son unicité. <strong>Le</strong>s portraits, celui <strong>de</strong> Chopin et <strong>de</strong> George Sand par Delacroix, entre<br />

autres, plongent le personnage <strong>dans</strong> une atmosphère <strong>de</strong> nostalgie où il fait naufrage et sombre. 581<br />

Il en va différemment, dit <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, pour l’Allemagne :<br />

La France et l’Allemagne pouvant être considérés comme les <strong>de</strong>ux pôles opposés du Romantisme,<br />

et leur peinture affirmant à chaque moment cette opposition. <strong>Le</strong> portrait outre-Rhin ne révèle pas<br />

un homme perdu <strong>dans</strong> une rêverie douloureuse et paralysante, mais au contraire, <strong>de</strong>s visages<br />

tendus et passionnés, inquiets, certes, mais d’une inquiétu<strong>de</strong> qui, chez eux se fait dynamique ; ils<br />

ont en commun cette intensité du regard qui captive l’interlocuteur, qui scrute et conquiert les<br />

lointains, qui appréhen<strong>de</strong> et modèle les formes. 582<br />

Nous reviendrons sur cette question du regard, très importante <strong>dans</strong> le <strong>fantastique</strong>.<br />

L’Homo romanticus est « dynamique ». Il cherche à travers <strong>de</strong>s expériences nouvelles à<br />

percevoir son propre visage en le positionnant <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s décors étrangers, et découvre les<br />

ressorts d’une métamorphose. Il y a chez lui une prédominance <strong>de</strong> l’éprouvé, du sentiment,<br />

579 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Art romantique, op. cit., p.7.<br />

580 Ibid., p.7.<br />

581 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’œil, l’esprit et la main du peintre, op. cit., p.215.<br />

582 Ibid., p.215-216.

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