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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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À cette mélancolie noire, il est possible d’opposer la force <strong>de</strong> création, ainsi que<br />

l’affirme Beatus Muller <strong>dans</strong> L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir : « Croyez-moi, la nostalgie<br />

est au plus haut <strong>de</strong>gré créatrice » (EMM, 155). Il est vrai que <strong>dans</strong> l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong>, il y a une omniprésence <strong>de</strong> la mort, <strong>de</strong>s morts, <strong>de</strong>s revenants, <strong>de</strong>s ombres et <strong>de</strong>s<br />

fantômes, mais, nous dit Xavier Tilliette, « il n’en résulte pas une vision macabre, ni même<br />

la mélancolie douce et stagnante <strong>de</strong> Rilke ou les décors funèbres <strong>de</strong> Thomas Mann. Car la<br />

pensée <strong>de</strong> la mort s’allie à l’amour <strong>de</strong> la vie et à l’élan vers l’immortalité » 660 .<br />

3. Une esthétique du Märchen ?<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

L’examen <strong>de</strong> la catégorie du lointain nous conduit au Märchen, un <strong>de</strong>s berceaux<br />

<strong>de</strong> la littérature <strong>fantastique</strong>. L’esthétique du Märchen est en effet inséparable <strong>de</strong> la notion<br />

<strong>de</strong> lointain. <strong>Le</strong> « lointain », inspire, explique <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, « une nouvelle manière <strong>de</strong><br />

conter. <strong>Le</strong> Märchen romantique succè<strong>de</strong> au conte philosophique, si fort apprécié au XVIII e<br />

siècle (…), le Märchen utilise une substance <strong>fantastique</strong> en soi, ou transmue en <strong>fantastique</strong><br />

la réalité quotidienne qu’un regard attentif découvre chargée <strong>de</strong> puissantes virtualités surréelles<br />

» 661 .<br />

Selon Jean-Luc Steinmetz, le Märchen fait partie <strong>de</strong>s éléments qui favorisent la<br />

genèse du <strong>fantastique</strong> en Allemagne. Il utilise à l’origine le matériau du merveilleux, étant<br />

« l’héritier d’un merveilleux traditionnel » 662 . Un auteur tel que Ludwig Tieck imagine<br />

certaines versions <strong>de</strong>s Contes <strong>de</strong> Perrault, reprend l’histoire <strong>de</strong> Mélusine, s’intéresse au<br />

merveilleux tel qu’il peut apparaître <strong>dans</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Shakespeare. Il reconstitue<br />

d’anciennes légen<strong>de</strong>s, puis invente le sujet <strong>de</strong>s Amis, du Runenberg, d’Eckbert le blond. <strong>Le</strong><br />

mon<strong>de</strong> présenté n’est autre que celui <strong>de</strong> l’enfance retrouvée. Brentano et Achim von Arnim<br />

publient en 1806 un recueil <strong>de</strong> chansons alleman<strong>de</strong>s, <strong>Le</strong> Cor enchanté <strong>de</strong> l’enfant ;<br />

Brentano publie <strong>de</strong>s Contes Rhénans. Puis le Märchen évolue. Tieck le porte à la lisière du<br />

merveilleux et du <strong>fantastique</strong>. La Motte-Fouqué crée Ondine en 1811, dont le thème sera<br />

repris par Giraudoux. <strong>Le</strong>s auteurs, dit Jean-Luc Steinmetz, sont alors « à la limite du<br />

merveilleux et du <strong>fantastique</strong> » 663 . Chamisso se rapproche davantage encore du <strong>fantastique</strong><br />

quand il écrit l’histoire <strong>de</strong> Peter Schlemihl ou l’homme qui a perdu son ombre. <strong>Le</strong> héros,<br />

placé <strong>dans</strong> la réalité quotidienne, rencontre un homme vêtu <strong>de</strong> gris, apparemment<br />

660 Xavier Tilliette, « Ar<strong>de</strong>ndo cresco », Ibid., p.225.<br />

661 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Orplid, op. cit., p.61-62. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> ajoute <strong>dans</strong> Schumann et l’âme romantique, op.<br />

cit., p.275 : « <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s contes est un mon<strong>de</strong> lointain, auquel l’homme n’a accès que très<br />

exceptionnellement, et à condition qu’il possè<strong>de</strong> l’ « état <strong>de</strong> grâce » qui fait s’ouvrir la porte magique ».<br />

662 Jean-Luc Steinmetz, La littérature <strong>fantastique</strong>, op. cit., p. 50.<br />

663 Ibid., p.54.

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