27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

383<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

« La <strong>de</strong>stinée, pareille à un metteur en scène ingénieux, dispose au long <strong>de</strong> notre vie <strong>de</strong><br />

singuliers coups <strong>de</strong> théâtre », déclare le narrateur <strong>de</strong> La Rose <strong>de</strong> cire (RC, 152).<br />

On serait tenté <strong>de</strong> dire que celui qui détient tous les fils entre ses mains n’est autre<br />

que le romancier dissimulé <strong>de</strong>rrière sa propre plume. Mais <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> pose le problème<br />

<strong>de</strong> l’écriture <strong>fantastique</strong>, et il en propose une conception originale. Dans l’avant-propos <strong>de</strong><br />

Nous avons traversé la montagne, il précise qu’il existe <strong>dans</strong> la vie <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong>s<br />

zones d’ombre, <strong>de</strong>s parts d’inconnu. L’ « auteur » se gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> les combler par ses<br />

inventions. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> distingue <strong>de</strong>ux types d’auteurs. Celui qui interprète, attribue « un<br />

lien logique à <strong>de</strong>s événements », prend le statut « d’un éventuel meneur <strong>de</strong> jeu » qui<br />

dirigerait « du haut <strong>de</strong> sa tour <strong>de</strong> contrôle » (NATM, 10), et celui qui au contraire se met en<br />

position <strong>de</strong> récepteur disponible et ne fait que recueillir un ensemble d’éléments non<br />

véritablement maîtrisés : « Qu’il existe quelque chose – ou Quelqu’un – <strong>de</strong> plus puissant<br />

que la volonté ou le hasard, celui qui écrit le sait, et celui qui lit le <strong>de</strong>vine » (NATM, 10).<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> se situe lui-même <strong>dans</strong> la <strong>de</strong>uxième catégorie, et l’affirme clairement <strong>dans</strong><br />

<strong>de</strong>s entretiens avec Francis Lacassin :<br />

On ne choisit pas d’écrire du « <strong>fantastique</strong> » : certaines histoires se sont imposées à moi, comme<br />

une fatalité, avec l’obligation <strong>de</strong> les transcrire telles que je les ai « vues » ; j’aimerais mieux dire<br />

« vécues », car, pour moi, ce sont <strong>de</strong> véritables expériences <strong>dans</strong> lesquelles je suis entraîné sans<br />

les avoir voulues, sans les avoir choisies. <strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> AUTHENTIQUE ne peut être ni<br />

composé, ni choisi. C’est quelque chose que l’on subit : on s’y soumet. Je me refuse tout ce qui<br />

serait pure invention, ou opération <strong>de</strong> l’imagination. Même <strong>dans</strong> les détails : je restitue les lieux,<br />

les personnages, les objets avec une rigoureuse fidélité. Je ne peux pas modifier les costumes, les<br />

visages, les gestes. Donc, <strong>dans</strong> cette création, une docilité totale à la chose vue. Je fais abstraction<br />

<strong>de</strong> moi-même, tout en me sentant entièrement impliqué <strong>dans</strong> l’histoire et participant à « ce qui se<br />

passe » : acteur <strong>de</strong> l’histoire, chaque fois que j’écris « je » plus encore que témoin : jamais simple<br />

spectateur ; gar<strong>de</strong>r les distances, ce serait trop facile. 611<br />

Nous avons là l’image d’un écrivain qui reçoit, est entraîné vers l’inattendu, tente<br />

<strong>de</strong> restituer ce qui lui a été livré, « costumes », « gestes », qui <strong>de</strong>vient lui-même « acteur »<br />

impliqué et non plus simplement « spectateur ». Qui est alors le véritable concepteur du<br />

<strong>fantastique</strong> ? Qu’est-ce qu’inventer ? <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> répond : « Se rappeler l’oublié.<br />

Découvrir l’inconnu. <strong>Le</strong> surréel n’est que l’autre face <strong>de</strong> ce que nous appelons le réel ». Sa<br />

réflexion débouche sur la constatation <strong>de</strong> l’existence d’un inconnu et d’un inconnaissable :<br />

« Traverser d’autres existences, être associé à <strong>de</strong>s événements qui se passent où ? Quand ?<br />

611 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, propos recueillis par Francis Lacassin, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Cahiers <strong>de</strong> l’imaginaire, op. cit., « <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong> croit aux fantômes »,p. 4-5.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!