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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Selon Jean-Baptiste Baronian, toute l’œuvre est marquée par une « disponibilité totale » 104<br />

<strong>dans</strong> un très grand nombre <strong>de</strong> domaines. Il cite les propos <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> qui explique<br />

que pour entrer <strong>dans</strong> le <strong>fantastique</strong>, « il faut être <strong>dans</strong> un état <strong>de</strong> disponibilité absolue, c’est<br />

tout » 105 . <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> a eu une vie <strong>de</strong> voyageur disponible, durant la plus gran<strong>de</strong> partie<br />

<strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> qui sépare la Première Guerre mondiale jusqu’ au commencement <strong>de</strong> la<br />

<strong>de</strong>uxième où il a été mobilisé. Il a profité <strong>de</strong> cette liberté pour faire <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />

recherche, écrire, résidant le temps qu’il voulait <strong>dans</strong> une ville ou un pays d’Europe ou<br />

d’Orient 106 . Ses héros ont cette disponibilité. <strong>Le</strong> personnage brionien peut partir quand il<br />

veut, peut rester le temps qu’il veut, ne fait pas un voyage organisé, délimité <strong>dans</strong> le temps<br />

et l’espace. <strong>Le</strong> départ du narrateur se fait même parfois sous le signe du hasard, ainsi que le<br />

montre un <strong>de</strong>s titres <strong>de</strong> roman : Villa <strong>de</strong>s hasards 107 . Effectivement le narrateur s’en remet<br />

à lui: « J’avais dit au cocher d’avancer lentement. Au hasard, avait-il <strong>de</strong>mandé ? Oui, au<br />

hasard » (VH, 7), <strong>de</strong> même que celui <strong>de</strong> L’Ombre d’un arbre mort :<br />

Un valet <strong>de</strong> chambre s’offrit à me montrer les écuries, les bosquets ou les roseraies, mais je<br />

préférai m’abandonner au hasard ou à ma chance pour ce qu’il me serait accordé <strong>de</strong> rencontrer :<br />

partir au hasard, sans but, sans décision préconçue, a toujours été un <strong>de</strong> mes plus vifs plaisirs.<br />

(OAM, 8)<br />

<strong>Le</strong> hasard est associé à l’idée <strong>de</strong> légèreté. <strong>Le</strong> narrateur a en effet une manière<br />

légère <strong>de</strong> s’en aller, et cela suppose un certain type <strong>de</strong> communication avec les choses, un<br />

état d’attente qui va jusqu’à l’abandon 108 . <strong>Le</strong> mot est revêtu d’ambiguïté et peut prendre<br />

plusieurs sens : l’abandon peut se concevoir comme un laisser-aller. <strong>Le</strong> mot a alors une<br />

connotation plutôt négative. Ou l’abandon est l’état <strong>dans</strong> lequel se trouve celui qui <strong>de</strong>vient<br />

plus réceptif, plus ouvert, qui parvient à lâcher les rênes <strong>de</strong> la conscience habituelle, <strong>de</strong>s<br />

habitu<strong>de</strong>s rationnelles, et consent à se livrer à d’autres forces, comme un nageur qui se<br />

laisserait emporter par le courant. Une fois cet état d’abandon installé, un jeu <strong>de</strong> forces ou<br />

<strong>de</strong> figures multiples peut intervenir « pour le meilleur ou pour le pire ». Cette disponibilité<br />

permet <strong>de</strong> donner un autre sens au voyage qui va cesser d’être un voyage <strong>de</strong> surface pour<br />

104 Ibid., p.196.<br />

105 Ces propos apparaissent <strong>dans</strong> un entretien accordé à Andrea Turquetit <strong>dans</strong> Miroir du <strong>fantastique</strong>, numéro<br />

4, volume 1, juillet août 1968, p.177.<br />

106 Voir à ce sujet les actes du colloque international <strong>de</strong> la Bibliothèque nationale <strong>de</strong> France : <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>,<br />

humaniste et « passeur », op. cit., 1996, p.247 : « 1925-1933 : jusqu’à la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale, la vie <strong>de</strong><br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> est enrichie <strong>de</strong> longs séjours d’étu<strong>de</strong>s à l’étranger : Berlin (1928), pays scandinaves (1929),<br />

Munich surtout (1930) (…) Mais à partir <strong>de</strong> 1933, ressentant douloureusement la montée du nazisme, il<br />

renoncera à tout voyage en Allemagne. 1933-1934 : voyage <strong>de</strong> plusieurs mois au Proche-Orient (…) 1934-<br />

1935 : séjours à Londres, Cork, Dublin (…) à Rome et Florence… ».<br />

107 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Villa <strong>de</strong>s hasards, Paris, Albin Michel, 1984.<br />

108 Quelques exemples : <strong>dans</strong> Château d’ombres : « Je m’abandonnai à ce trop puissant sortilège d’ombres et<br />

<strong>de</strong> nuits », p.28 ; <strong>dans</strong> Un Enfant <strong>de</strong> la terre et du ciel : « Cet abandon au pur hasard l’avait rempli tout à<br />

coup d’une exaltation panique… », p.143.

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