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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

lui-même. <strong>Le</strong>s événements et ceux-là même qui paraissent suggérés par le hasard obéissent en<br />

réalité à une articulation <strong>de</strong> faits et <strong>de</strong> signes importants ; ce tissu brodé d’hiéroglyphes qui<br />

constitue notre existence représente ainsi une succession d’initiations dont la seule raison d’être<br />

est <strong>de</strong> nous conduire à l’initiation définitive, à la porte ouverte qui permet d’accé<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’autre<br />

côté 398 .<br />

Cette idée est partagée par le narrateur <strong>de</strong> Villa <strong>de</strong>s hasards qui cite à la fin du<br />

roman la phrase <strong>de</strong> Karl Philip Moritz : « Nous sommes placés <strong>dans</strong> une sorte <strong>de</strong><br />

labyrinthe, nous ne retrouvons pas le fil qui nous permettrait d’en sortir, et peut-être ne<br />

faut-il pas que nous en sortions » (VH, 181).<br />

Prenant une valeur symbolique, le labyrinthe pose le problème <strong>de</strong> l’espace et du<br />

temps. La fascination <strong>de</strong> cet édifice appelle une exploration. L’espace doit être parcouru au<br />

risque <strong>de</strong> se perdre, et répond à un désir <strong>de</strong> découverte. Pour celui qui est conscient <strong>de</strong><br />

possé<strong>de</strong>r un savoir et une expérience limités, c’est l’archétype <strong>de</strong> l’esprit <strong>de</strong> recherche, et<br />

l’obligation <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s choix. « <strong>Le</strong> voyageur doit perpétuellement choisir sa route parmi<br />

les options nombreuses qui se proposent à lui » 399 . <strong>Le</strong> labyrinthe installe une angoisse<br />

relative à l’espace où l’on ne saurait être ni à son aise ni tout à fait rassuré. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong><br />

trouve le modèle <strong>de</strong> ce voyage initiatique et labyrinthique <strong>dans</strong> les romans dont il fait<br />

l’analyse, <strong>dans</strong> L’Allemagne romantique 400 .<br />

<strong>Le</strong> problème spatial se double d’une difficulté temporelle, ainsi que le précise<br />

André Peyronie : « Si le labyrinthe semble relever <strong>de</strong> l’espace et d’un rapport<br />

problématique à celui-ci, l’on peut prétendre aussi qu’il relève du temps (l’éternel retour en<br />

constituant alors une figure limite) » 401 . <strong>Le</strong> temps infini sera alors figuré par la spirale,<br />

l’éternel retour par la tresse.<br />

Un certain nombre <strong>de</strong> romans peuvent être mis, au XX e siècle <strong>dans</strong> une<br />

« perspective labyrinthique », dit André Peyronie. Ainsi en est-il <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Romain<br />

Rolland, <strong>de</strong> Kafka où <strong>de</strong>s personnages plus ou moins errants font l’expérience du<br />

labyrinthe, et d’immenses édifices <strong>romanesque</strong>s tels que Dédalus ou Ulysse <strong>de</strong> l’écrivain<br />

irlandais James Joyce qui ne racontent pas l’histoire <strong>de</strong> Dédale ou d’Ulysse mais installent<br />

<strong>de</strong>s personnages contemporains <strong>dans</strong> l’entrelacement du mon<strong>de</strong>. Certains lieux évoqués par<br />

<strong>Marcel</strong> Proust <strong>dans</strong> À la recherche du temps perdu constituent « le dédale spécifique <strong>de</strong><br />

398 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, « Hofmannsthal et l’expérience du labyrinthe », <strong>dans</strong> Cahiers du sud, 42 e année, numéro<br />

333, p.177.<br />

399 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Léonard <strong>de</strong> Vinci, op. cit., p.200.<br />

400 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> analyse en particulier <strong>Le</strong>s aventures d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Poe, le Voyage au<br />

centre <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong> Jules Verne, et bon nombre <strong>de</strong> romans romantiques allemands.<br />

401 André Peyronie, Dictionnaire <strong>de</strong>s mythes littéraires, op. cit., p.915.

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