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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

air d’opéra. La qualité <strong>de</strong> l’amour éprouvé est alors telle qu’elle permet l’ouverture vers<br />

<strong>de</strong>s lieux prêts à se charger <strong>de</strong> mythologie :<br />

Cette qualité d’amour que peuvent ressentir un homme et une femme que la musique isole du<br />

reste du mon<strong>de</strong> comme <strong>dans</strong> une île magique, que le cercle <strong>de</strong> l’enchanteur protège contre les<br />

assauts du <strong>de</strong>hors et dont la communion enthousiaste est encore communion avec la musique,<br />

cette qualité d’amour est d’une nature si sublime que peu <strong>de</strong> choses peuvent, probablement,<br />

l’égaler. 681<br />

Au cours <strong>de</strong> ses voyages, le prince, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Miroirs et les gouffres, s’arrête <strong>dans</strong><br />

une petite ville italienne, et se rend tous les soirs à l’opéra. Il s’éprend d’une chanteuse,<br />

Griselda, dont il aime la voix, mais aussi les multiples personnalités qu’elle incarne, et il<br />

est « stupéfait qu’elle n’eût qu’un seul nom pour toutes les femmes différentes qu’elle avait<br />

incarnées pendant tout un mois et presque une femme nouvelle chaque soir » (MG, 95).<br />

Harald, <strong>dans</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes, s’éprend d’Erika, le soir où il l’entend chanter<br />

le rôle <strong>de</strong> Suzanne <strong>de</strong>s Noces <strong>de</strong> Figaro <strong>de</strong> Mozart. Il est « <strong>de</strong> ces hommes qui subissent<br />

avec une intensité incroyable le charme du chant, surtout du chant féminin » (FTA, 167-<br />

168). Sa passion pour Erika se confond avec sa passion pour Mozart. À mesure que le<br />

talent <strong>de</strong> la jeune fille se déploie <strong>dans</strong> divers personnages, son émerveillement grandit.<br />

« Harald finit par aimer, non seulement la chanteuse elle-même, mais aussi toutes les<br />

exquises et émouvantes créatures qu’elle incarnait ». Il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui il aime<br />

véritablement, « cette figure souverainement multipliée en personnages d’opéras, ou la<br />

femme réelle » (FTA, 170).<br />

La musique nous emmène ainsi régulièrement <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s zones frontières. Elle est<br />

souvent en relation avec un type d’architecture, chapelle, théâtre, opéra, mais aussi surtout<br />

avec un paysage particulier, retentit <strong>dans</strong> un jardin, marie ses prodiges avec ceux <strong>de</strong><br />

l’artifice et <strong>de</strong> la nuit. Elle opère alors sa jonction avec d’autres voix issues d’un mon<strong>de</strong><br />

invisible.<br />

2. <strong>Le</strong>s voix du cosmos.<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> nous introduit <strong>dans</strong> un mon<strong>de</strong> sonore où les voix humaines, celles<br />

<strong>de</strong>s instruments <strong>de</strong> musique, viennent se mêler à d’autres voix, en particulier celles du<br />

vent, <strong>de</strong>s oiseaux, <strong>de</strong>s torrents, <strong>de</strong> la forêt, <strong>de</strong>s rivières souterraines. Dans <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la<br />

princesse Ilse, Ilse entend venir <strong>de</strong> loin une musique « solennelle et noble » jouée au<br />

681 Ibid., p.133.

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