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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Xavier Tilliette, <strong>dans</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, <strong>de</strong>puis Un Enfant <strong>de</strong> la terre<br />

et du ciel jusqu’aux Vaines Montagnes, l’expression d’une même aspiration, d’une même<br />

recherche « <strong>de</strong>s faces cachées d’un univers que notre nostalgie aspire à connaître, qui<br />

s’ouvre sur l’infini d’un lointain dont la recherche justifie l’existence d’un homme » 650 .<br />

L’inquiétu<strong>de</strong> <strong>fantastique</strong> <strong>de</strong>vient alors mélancolie <strong>fantastique</strong>. Des vagues <strong>de</strong><br />

mélancolie agitent toute l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, avec ses prolongements <strong>de</strong> doute,<br />

d’angoisse, d’insatisfaction. Mais son œuvre n’est pas exclusivement orientée vers le<br />

passé, elle ne tente pas <strong>de</strong> construire un refuge par répugnance au présent et peur <strong>de</strong><br />

l’avenir. La mélancolie est une aspiration humaine qui est <strong>de</strong> tous les temps, tournée à la<br />

fois vers le passé et vers un futur incertain. Elle s’apparente à la Sehnsucht que <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong> cherche à définir <strong>dans</strong> Orplid :<br />

Une aspiration infinie et informe, un élan <strong>de</strong> désir vers l’objet dont on souhaite la possession :<br />

plus qu’une nostalgie un besoin d’atteindre et d’étreindre quelque chose situé <strong>dans</strong> les<br />

« lointains » du temps et <strong>de</strong> l’espace, cette poussée <strong>de</strong>s sens, du cœur et <strong>de</strong> l’âme tout ensemble,<br />

imprécise, changeante, ne sachant se définir elle-même, et qui veut être avant tout mouvement<br />

vers. 651<br />

Cette citation est intéressante, car elle met en évi<strong>de</strong>nce, à travers <strong>de</strong>s expressions<br />

telles que « infini et informe », « quelque chose », « imprécise, changeante », le couple<br />

infini-indéfini. La Sehnsucht est un élan imprécis parce que ce vers quoi elle s’élance n’a<br />

pas <strong>de</strong> contours, et cet élan se perd <strong>dans</strong> les territoires du <strong>fantastique</strong> impossibles à<br />

étreindre. Cette esthétique est proche <strong>de</strong> celle du romantisme : « Ainsi le romantisme<br />

nourrit-il une mélancolie faite <strong>de</strong> regrets <strong>de</strong> ces « paradis perdus » dont l’Ère <strong>de</strong>s lumières,<br />

scientiste, pratique, pragmatique et rationaliste a fermé les portes <strong>de</strong>rrière l’homme qui en<br />

a été chassé » 652 .<br />

Il n’y a rien d’étonnant donc à ce que le personnage brionien, à l’image<br />

d’Adalbert qui se souvient <strong>de</strong> Karl-Anton et <strong>de</strong> Steffi, se tourne vers l’enfance. Mais ce<br />

départ vers le passé <strong>de</strong>vient promesse d’avenir improbable car la jeune fille mystérieuse<br />

qu’il a rencontrée déclare :<br />

650 Voir la belle intervention <strong>de</strong> Xavier Tilliette, lors du colloque international, « Ar<strong>de</strong>ndo cresco », <strong>dans</strong><br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> humaniste et passeur, op. cit., p.217 à 229. La phrase que nous citons se trouve <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s<br />

Vaines Montagnes, p.94, et elle est citée par Liliane <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> la préface à ce roman, p.1-2.<br />

651 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Orplid, op. cit., p.64. La Sehnsucht est aussi définie <strong>dans</strong> Schumann, op. cit., p. 207,<br />

comme « cette dévorante insatisfaction, cette voix venant <strong>de</strong> loin, qui est l’appel <strong>de</strong>s choses inaccessibles, ce<br />

torturant appétit d’infini, que la poésie et la musique irritent encore plus qu’elles ne le satisfont, cette faim<br />

d’autres réalisations, qu’aucune réussite ne peut rassasier, cette perpétuelle recherche, épuisante, qui ne<br />

conduit à aucun assouvissement. »<br />

652 Ibid., p.59.

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