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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong> projet du narrateur est tout autre. Il est annoncé <strong>dans</strong> le prologue signé M.B.<br />

(<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> ?). M.B. présente le roman qui va suivre et informe le lecteur que c’est<br />

« peut-être » un poème <strong>de</strong> Höl<strong>de</strong>rlin qui a poussé « l’auteur » « à rapporter <strong>dans</strong> ce livre ce<br />

qu’il a appris <strong>de</strong>s voyages et <strong>de</strong>s aventures <strong>de</strong>s personnages dont il a, quelque temps, et à<br />

divers intervalles, partagé la vie » (NATM, 9). Il précise le projet, <strong>dans</strong> une parenthèse : «<br />

– mais il se serait agi d’explorer quoi, en réalité, sinon le mon<strong>de</strong> le plus intérieur <strong>de</strong><br />

chacun… – ». <strong>Le</strong> récit sera donc d’un autre ordre, fragmentaire, à l’image <strong>de</strong>s chemins<br />

parcourus, compliqués et disparates, c'est-à-dire à l’image d’un labyrinthe, soumis aux<br />

aléas <strong>de</strong> la remémoration et au travail <strong>de</strong> l’imaginaire. Après avoir consulté les écrits <strong>de</strong><br />

Pilger, le narrateur a l’impression que ce que Pilger donne comme inventé correspond à<br />

<strong>de</strong>s faits vécus :<br />

Je ne l’avertis pas <strong>de</strong> mon observation, mais je m’appliquai à contrôler plus strictement les<br />

histoires que je supposais – j’en étais certain… – recevoir <strong>de</strong> mon imagination, et je surpris<br />

l’insidieux retour <strong>de</strong> nombreuses réminiscences <strong>de</strong> mon passé, proche ou éloigné, cachées <strong>dans</strong> les<br />

recoins <strong>de</strong> péripéties tenues pour étrangères à mes propres expériences et soudainement révélées<br />

authentiques. (NATM, 156-157)<br />

À l’imitation <strong>de</strong> Pilger, le narrateur commence à écrire un roman peu rigoureux<br />

en apparence, composant un véritable entrelacs.<br />

<strong>Le</strong> modèle <strong>de</strong> son projet d’écriture est fourni par le conteur, personnage important<br />

qui apparaît surtout <strong>dans</strong> La Ville <strong>de</strong> sable et <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse. <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong>, qui a écrit plusieurs volumes <strong>de</strong> contes, est très attaché à la figure du conteur 500 . Un<br />

chapitre du livre qu’il a consacré à Rudyard Kipling s’intitule « <strong>Le</strong> conteur », et lorsqu’il<br />

parle du conte, il se sert <strong>de</strong> la figure <strong>de</strong> l’arabesque, décoration faite <strong>de</strong> formes végétales et<br />

géométriques compliquées, pour rendre compte <strong>de</strong> sa nature : « Comme s’il correspondait<br />

à quelque réclamation profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la nature humaine, le conte fleurit partout et noue, <strong>de</strong><br />

continent en continent, ses capricieuses arabesques » 501 .<br />

<strong>Le</strong> conteur intéresse l’écrivain <strong>fantastique</strong> comme personnage parmi d’autres<br />

parce que c’est un personnage <strong>de</strong> frontières, qu’il se dit en relation avec les mon<strong>de</strong>s<br />

invisibles. Il est là pour montrer combien est poreuse la frontière entre le réel, le<br />

merveilleux et le <strong>fantastique</strong>. <strong>Le</strong> conteur Bardouk, <strong>dans</strong> La Ville <strong>de</strong> sable, commence ses<br />

récits à un moment intermédiaire, à la lisière <strong>de</strong> la veille et du sommeil. <strong>Le</strong> chapitre cinq se<br />

passe à un moment charnière. La séquence débute en plein conte, et se termine au moment<br />

500 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> écrit : <strong>Le</strong> Théâtre <strong>de</strong>s esprits, Fribourg, Éditions <strong>de</strong> la Librairie <strong>de</strong> l’Université, 1941 ; <strong>Le</strong>s<br />

Escales <strong>de</strong> la haute nuit, Marseille, Robert Laffont, 1942 ; <strong>Le</strong> Portrait <strong>de</strong> Belinda, Paris, Robert Laffont,<br />

1945 ; La Chanson <strong>de</strong> l’oiseau étranger, Paris, Albin Michel, 1958.<br />

501 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Rudyard Kipling, Paris, La Nouvelle Revue Critique, 1929, p.3.

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