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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

du labyrinthe, etc. On oublie avec trop <strong>de</strong> nonchalance que le théâtre, à son origine, était<br />

toujours en rond » 609 !<br />

Au point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> L’Enchanteur se trouve cette fascination <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong><br />

pour le cirque. <strong>Le</strong> numéro <strong>de</strong> Tintagel au cirque Aislinn s’intitule « Magie. Haute<br />

Illusion », avec majuscules (E, 29). Tintagel est un illusionniste <strong>de</strong> cirque, un<br />

prestidigitateur qui exécute « les tours <strong>de</strong> cartes habituels, les escamotages faciles ». Il est<br />

là pour divertir le public. <strong>Le</strong> narrateur espère voir quelque chose d’autre, qui dépasse le<br />

sta<strong>de</strong> du simple « numéro », voudrait surprendre « le vrai visage du magicien » (E, 29). Un<br />

enfant s’avance vers lui et, pour satisfaire sa curiosité, Tintagel donne tout à coup à son<br />

numéro une autre dimension :<br />

Tout à coup une lumière chau<strong>de</strong> et douce brilla, qui ne venait d’aucun foyer visible. En même<br />

temps, sous la voûte du cirque <strong>de</strong>s chants résonnèrent, d’une pureté et d’une grâce telles que je<br />

n’avais jamais rien entendu <strong>de</strong> pareil. Ou, du moins, si cette musique suscitait quelque rappel <strong>dans</strong><br />

ma mémoire, ce <strong>de</strong>vait être un souvenir très ancien, car je ne savais plus à quelle époque, en quel<br />

lieu, j’avais éprouvé une semblable extase. Du milieu <strong>de</strong>s chants, une flûte s’éleva, accrochant <strong>de</strong>s<br />

girandoles <strong>de</strong> cristal et <strong>de</strong> gouttes d’eau, à l’harmonie <strong>de</strong>s voix enfantines. Cela dura quelques<br />

secon<strong>de</strong>s à peine, puis les lampes aveuglantes se rallumèrent et l’orchestre <strong>de</strong> cuivres se mit à<br />

beugler. (E, 30)<br />

La magie n’est plus ici un simple divertissement facile. Elle est déploiement<br />

d’une autre lumière, d’autres sons dont la provenance est inconnue, que les lampes<br />

aveuglantes et l’orchestre grossier ne sauraient laisser percevoir. <strong>Le</strong> narrateur suggère que,<br />

par <strong>de</strong>là la réalité qui nous entoure, il existe un univers mystérieux, une part cachée du<br />

mon<strong>de</strong>. <strong>Le</strong> magicien permet <strong>dans</strong> un moment bref, d’exception, <strong>de</strong> le faire apercevoir, il est<br />

celui qui permet d’entrer <strong>dans</strong> l’intimité d’un mon<strong>de</strong> second, fait miroiter un au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la<br />

face apparente et masquée <strong>de</strong>s choses. Ce mon<strong>de</strong> second est traversé par <strong>de</strong>s forces sur<br />

lesquelles le magicien possè<strong>de</strong> un véritable pouvoir. Tintagel, prestidigitateur, illusionniste<br />

possè<strong>de</strong> un autre visage, celui <strong>de</strong> Merlin le magicien. Merlin comman<strong>de</strong> à la lumière, aux<br />

« voix enfantines » qui viennent se confondre avec celles <strong>de</strong>s éléments. En tant que maître<br />

<strong>de</strong>s éléments, il ressemble à l’archiviste Lindhorst <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Vase d’or d’Hoffmann capable<br />

lui aussi <strong>de</strong> jouer avec le feu : « Tout Salamandre qu’il est, l’archiviste Lindhorst se<br />

divertit à faire jaillir <strong>de</strong>s étincelles du bout <strong>de</strong> ses doigts pour allumer les cigares <strong>de</strong> ses<br />

609 Luc Bérimont, entretien <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Bois Castiau, Éditions Rombaldi, Bibliothèque du temps présent,<br />

1975, p.13.

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