27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

234<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong> château continue d’intéresser un <strong>fantastique</strong> plus actuel, car il correspond<br />

encore à <strong>de</strong>s réalités psychiques et symboliques diverses et mouvantes.<br />

Dans les temps barbares, le château est emblème <strong>de</strong> la guerre, un témoin <strong>de</strong> la<br />

cruauté d’un mon<strong>de</strong> où seules parlent les armes. <strong>Le</strong> château <strong>de</strong> l’imaginaire est bien<br />

différent. C’est un lieu d’enchantement, occupé par la femme aimée qui en occupe le<br />

centre. Il offre une possibilité <strong>de</strong> métamorphose <strong>de</strong> l’être. Sur le plan psychologique, il<br />

peut représenter la forteresse construite pour se mettre à l’abri <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s du mon<strong>de</strong> et<br />

<strong>de</strong>s déchirements <strong>de</strong> l’histoire, et il <strong>de</strong>vient refuge pour ceux qui veulent sauvegar<strong>de</strong>r une<br />

qualité d’être. Territoire <strong>de</strong> frontière, il reçoit <strong>dans</strong> notre civilisation une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

visages, et lorsque Kafka écrit son roman, il poursuit à sa limite extrême la vocation du<br />

château : <strong>de</strong>meurer un lieu dont il sera à jamais impossible <strong>de</strong> découvrir la réalité profon<strong>de</strong>.<br />

<strong>Le</strong> château possè<strong>de</strong> une place <strong>de</strong> choix <strong>dans</strong> l’univers <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>. Ce n’est<br />

pas un hasard si les « Fils <strong>de</strong>s Étoiles » se réunissent <strong>dans</strong> un bastion, <strong>dans</strong> La Ville <strong>de</strong><br />

sable, et <strong>dans</strong> le château décrit par Ilse <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse. La vie que<br />

mène Ilse <strong>dans</strong> ce château « fait penser à ces appartements-labyrinthes dont il est question<br />

<strong>dans</strong> les traditions populaires, les contes <strong>de</strong> fées, les romans noirs et, surtout, les rêves <strong>de</strong><br />

nos nuits » (CPI, 121).<br />

Ce « château <strong>de</strong> la princesse Ilse » est un territoire <strong>de</strong> lisière. Ilse y est admise, et<br />

pourtant il n’y a pas trace <strong>de</strong> cet édifice <strong>dans</strong> les environs. <strong>Le</strong> château appartient-il au réel<br />

ou aux rêves d’une enfant ? Son nom le fait surgir à la frontière du réel et <strong>de</strong> la fiction, du<br />

roman et <strong>de</strong> la poésie. C’est en effet le poète Henri Heine qui en trace l’esquisse <strong>dans</strong> l’un<br />

<strong>de</strong> ses poèmes 406 . Ilse raconte au narrateur ses séjours <strong>dans</strong> ce château qui par conséquent<br />

est vu à travers le regard d’une enfant. Elle assure qu’elle y a eu accès à diverses reprises et<br />

qu’il existe bel et bien. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>scriptions qu’elle en donne montrent au lecteur qu’il s’agit<br />

d’un château du XVIII e siècle, entouré d’un parc qui possè<strong>de</strong> les caractéristiques<br />

esthétiques <strong>de</strong> cette époque, où <strong>de</strong> nombreux visiteurs sont reçus et réunis <strong>dans</strong> un salon<br />

triangulaire afin <strong>de</strong> se livrer à <strong>de</strong>s cérémonies solsticiales.<br />

Dans la troisième partie du roman, le château <strong>de</strong>vient le centre d’un labyrinthe.<br />

Ilse voudrait y emmener le narrateur, mais ce <strong>de</strong>rnier ne pourra y accé<strong>de</strong>r. Ilse le conduit<br />

<strong>dans</strong> <strong>de</strong>s « itinéraires labyrinthiques » (CPI, 241), mais toutes les tentatives <strong>de</strong>meurent<br />

infructueuses. Pourtant le narrateur essaie <strong>de</strong> reconstituer les trajets suivis sur une feuille<br />

<strong>de</strong> papier :<br />

406 Heinrich Heine, Tableaux <strong>de</strong> voyage (Reisebil<strong>de</strong>r), [1826-1831], Paris, Éditions <strong>de</strong> l’Instant, 1989, p.58.<br />

« Je suis la princesse Ilse, et j’habite à Ilsenstein… » (Ich bin die Prinzessin Ilse, und wohne in Ilsenstein…)

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!