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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Il y a d’abord l’angoisse du narrateur lorsque, après avoir franchi la porte du parc<br />

il rencontre la fermière. Cette rencontre lui laisse un « singulier malaise » (CO, 19). À ce<br />

moment-là, la lumière change <strong>de</strong> nature : « La lumière n’était plus la même » (CO, 19).<br />

Une difficulté <strong>de</strong> compréhension s’ajoute à ce malaise, lorsque le narrateur se trouve face à<br />

la fille <strong>de</strong> la fermière : « Elle avait la même manière <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r que sa mère, avec une<br />

attention un peu pesante, comme si quelque chose <strong>de</strong> difficile à comprendre<br />

l’embarrassait » (CO, 20). <strong>Le</strong> narrateur éprouve aussi <strong>de</strong>s difficultés : « Nos mains se<br />

rencontrèrent ; alors elle baissa les paupières et ses lèvres bougèrent, sans que je puisse<br />

comprendre ce qu’elle disait ». <strong>Le</strong> narrateur s’engage <strong>dans</strong> une aventure dont il sent<br />

confusément qu’elle va avoir <strong>de</strong> l’importance pour lui : « Mon cœur battait comme si je me<br />

trouvais en face d’un événement que j’aurais attendu toute ma vie ». On remarquera,<br />

comme c’est souvent le cas, l’utilisation <strong>de</strong> l’assimilation comparative « comme si » qui<br />

oriente la lecture. Un certain nombre d’autres indices vont permettre d’en savoir<br />

davantage.<br />

<strong>Le</strong> premier d’entre eux est la sensation d’éloignement. <strong>Le</strong> narrateur sent qu’il y a<br />

un obstacle entre la jeune fille et lui :<br />

(…) il y avait entre nous un obstacle invisible et indéfinissable, comme une paroi transparente qui<br />

laisserait passer le regard, et même la main, et cependant qui m’empêcherait toujours (je veux<br />

dire : pour le moment) <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> l’autre côté, du côté où elle se trouvait. (…) Ce qui<br />

m’éloignait d’elle, je ne sais comment l’exprimer. (…) On ne me comprendra pas si je dis que<br />

nous n’appartenions pas au même mon<strong>de</strong>, mais je sais, moi, ce que je veux dire. (CO, 31)<br />

L’expression « ne pas appartenir au même mon<strong>de</strong> » peut être employée pour<br />

révéler une difficulté <strong>de</strong> communication entre <strong>de</strong>ux êtres. <strong>Le</strong> narrateur suggère qu’il s’agit<br />

<strong>de</strong> bien autre chose, et l’expression est à prendre au pied <strong>de</strong> la lettre. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s<br />

concernés sont le mon<strong>de</strong> réel et le mon<strong>de</strong> <strong>fantastique</strong>, séparés par <strong>de</strong>s obstacles difficiles à<br />

franchir :<br />

J’ai déjà parlé <strong>de</strong> ce mur invisible et transparent qui nous séparait, et quoique nous eussions grand<br />

besoin d’amitié, et souffrions <strong>de</strong> ne pouvoir rencontrer celle qui nous était nécessaire, nous ne<br />

pouvions faire un pas l’un vers l’autre sans nous heurter à cet obstacle infranchissable. (CO, 52)<br />

L’impression d’éloignement est encore plus gran<strong>de</strong> avec la mère qu’avec la fille.<br />

L’utilisation <strong>de</strong> la comparaison est intéressante, parce qu’elle permet <strong>de</strong> mettre l’accent sur<br />

<strong>de</strong>s adjectifs qui fonctionnent aussi comme indices : « La mère m’était encore plus<br />

étrangère que la fille. (…) Marianne était moins secrète (…) » (CO, 32). D’autres adjectifs<br />

caractéristiques viennent les compléter : « La présence <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux femmes auprès <strong>de</strong> moi<br />

me saisissait, quand j’y prêtais attention, comme une chose insolite, incongrue, peut-être<br />

même dangereuse (…) ». <strong>Le</strong>ur nature se révélant peu à peu, elles sont désignées un peu

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