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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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homme <strong>de</strong> personnalité vigoureuse, qui s’impose, qui attaque, conquiert et domine » 593 .<br />

Plus loin, le visage obtient une telle force qu’il ne peut plus, pour le visiteur, être associé à<br />

l’idée <strong>de</strong> mort : « J’en suis si fortement impressionné que la présence <strong>de</strong> quelqu’un qui<br />

serait assis à côté <strong>de</strong> moi, me parlerait, affirmerait toute sa corporalité, ne serait pas plus<br />

évi<strong>de</strong>mment réelle » (JV, 52).<br />

<strong>Le</strong> rêve permet d’aller « au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s apparences et <strong>de</strong> l’anecdote » (JV, 80), et le<br />

déploiement du regard visionnaire. Ce rêve entraîne le visiteur à nouveau <strong>dans</strong> la chambre<br />

où il est allé chercher le portrait, et le met en communication avec un mon<strong>de</strong> auquel,<br />

jusqu’à présent, il n’a pas eu accès. La chambre est remeublée telle qu’elle l’était autrefois.<br />

<strong>Le</strong> rêve constitue une sorte <strong>de</strong> résumé <strong>de</strong> la totalité du roman et précise l’enjeu du drame :<br />

il entre <strong>dans</strong> la chambre, se déci<strong>de</strong> à repartir, et à ce moment court le risque <strong>de</strong> tomber <strong>dans</strong><br />

le vi<strong>de</strong> et <strong>dans</strong> la nuit, c'est-à-dire <strong>de</strong> disparaître <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> l’espace et du temps.<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Cette « autre façon <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r le mon<strong>de</strong> » conduit à une appréhension<br />

<strong>fantastique</strong> <strong>de</strong> la nature elle-même, <strong>de</strong> l’espace vers lequel s’ouvre le jardin rococo.<br />

3. Erdgeist. L’esprit <strong>de</strong> la terre.<br />

Une modification du sentiment <strong>de</strong> la nature et une tendance à l’ouvert<br />

caractérisent le passage rococo-romantisme. On passe <strong>de</strong> la nature organisée <strong>de</strong>s jardins et<br />

<strong>de</strong>s parcs, d’une nature à la mesure <strong>de</strong> l’homme, à la sauvagerie <strong>de</strong> la libre nature. Cette<br />

nature a, <strong>dans</strong> les romans, une dimension <strong>fantastique</strong>. Vivante, elle est habitée par <strong>de</strong>s<br />

puissances élémentaires ou divines. Elle constitue un mon<strong>de</strong> réel et elle est en même temps<br />

le lieu <strong>de</strong> manifestation du mon<strong>de</strong> invisible. Elle est divinisée et sacralisée, comparable à<br />

celle que décrivaient les Naturphilosophen, les philosophes <strong>de</strong> la nature du romantisme<br />

allemand. Un certain nombre <strong>de</strong> personnages y aperçoivent ce que Goethe appelait<br />

Erdgeist, l’esprit <strong>de</strong> la terre. <strong>Le</strong> vieux Faust utilise <strong>de</strong>s formules magiques pour le faire<br />

apparaître, avant d’être épouvanté par la présence <strong>de</strong> cet être <strong>fantastique</strong> comparable à ce<br />

« pur esprit qui s’accroît sous l’écorce <strong>de</strong>s pierres » évoqué par Gérard <strong>de</strong> Nerval <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s<br />

Chimères 594 .<br />

593 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Suite <strong>fantastique</strong>, op. cit., p.10. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> évoque souvent ce type <strong>de</strong> regard, par<br />

exemple <strong>dans</strong> Orplid, « <strong>Le</strong> regard faustien », p.273 à 278 ; <strong>dans</strong> Dürer : « Dürer a toujours cherché <strong>dans</strong> les<br />

traits <strong>de</strong> ses modèles le caractère ; l’affirmation d’une certaine intensité faustienne du <strong>de</strong>venir, plus encore<br />

que <strong>de</strong> simples particularités physiques ou sociales » (p.259).<br />

594 Gérard <strong>de</strong> Nerval, « Vers dorés », <strong>Le</strong>s Chimères, Paris, Flammarion, 1965, p.245.

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