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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

volcans en éruption. Re<strong>de</strong>scendu <strong>de</strong>s montagnes, il ressort « <strong>de</strong> ce creuset alchimique<br />

transformé, affirmé <strong>dans</strong> sa foi et sa dévotion au feu » (MG, 38). En apercevant un insecte<br />

enfermé <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s milliers d’années <strong>dans</strong> un bloc d’ambre, le prince comprend le sens <strong>de</strong><br />

son aventure : « C’était cela que les pierres et les métaux prétendaient, l’empêcher <strong>de</strong><br />

vivre, l’incorporer à leur propre vie, le dévorer, le détruire » (MG, 63). Il fait ensuite une<br />

expérience étrange : il se voit enfermé <strong>dans</strong> un cristal <strong>de</strong> roche géant, en danger<br />

d’immobilité, <strong>de</strong> pétrification, et voit une femme entrer <strong>dans</strong> la pièce où il se trouve. « Un<br />

appel se forme en lui » et la force <strong>de</strong> son amour fait éclater le cristal qui le tenait<br />

emprisonné.<br />

Cette force relève <strong>de</strong> la démonie goethéenne. <strong>Le</strong> démon, pour Goethe, c’est en<br />

effet « tout ce qui <strong>dans</strong> l’homme est énergie. Non pas énergie consciente, voulue, mais<br />

impulsion, comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> cet être mystérieux qui est tout à la fois l’individu et<br />

quelque chose d’extérieur à l’individu ». 318<br />

<strong>Le</strong> prince est en contact avec une puissance présente à l’intérieur <strong>de</strong> lui-même, ou<br />

une puissance surnaturelle extérieure à lui. C’est en tout cas ce qui lui permet d’échapper<br />

au cercle magique <strong>dans</strong> lequel il était enfermé. Soumis à la loi <strong>de</strong> l’alternance goethéenne,<br />

il part en voyage pendant cinq ans <strong>dans</strong> tous les pays d’Europe afin <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> retrouver<br />

la femme dont il a fugitivement aperçu le visage. Durant ces voyages, il rencontre diverses<br />

figures féminines qui vont chacune à leur manière favoriser un mouvement vers<br />

l’accomplissement <strong>de</strong> soi ou au contraire y faire obstacle. Ainsi en est-il d’une femme<br />

rencontrée au bord <strong>de</strong> l’océan, tentatrice dangereuse offrant la possibilité <strong>de</strong><br />

l’engloutissement : « Descendre avec elle, se perdre avec elle, <strong>de</strong>venir l’hôte d’un élément<br />

inconnu où son individualité le ferait sable, galet : accepter cette transformation sans<br />

crainte, sans regret » (MG, 73). Au terme <strong>de</strong> ces voyages, revenu à son point <strong>de</strong> départ, le<br />

prince ordonne la construction d’une vaste grotte qui <strong>de</strong>vient à la fois son tombeau et une<br />

matrice, un lieu qui, en apparence fermé, reste ouvert sur l’ailleurs infini. <strong>Le</strong> mouvement<br />

ne s’arrête pas, et les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières phrases du roman sont annonciatrices <strong>de</strong> nouvelles<br />

métamorphoses à venir, au-<strong>de</strong>là même <strong>de</strong> la mort :<br />

<strong>Le</strong> prince sut qu’il avait atteint son but, mais il ne pouvait <strong>de</strong>viner si sa vie s’achevait, ou si, au<br />

contraire, elle allait commencer. Il se jeta <strong>dans</strong> le vi<strong>de</strong>, et ce fut l’éther qui le reçut et l’apporta<br />

jusqu’au lieu, encore lointain et incertain, <strong>de</strong> sa résurrection. (MG, 182)<br />

<strong>Le</strong> roman La Ville <strong>de</strong> sable est aussi dominé par l’esprit <strong>de</strong>s métamorphoses. Au<br />

cours <strong>de</strong> son périple, le narrateur rencontre l’orfèvre Kalkeidos qui lui permet <strong>de</strong> connaître<br />

318 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Goethe, op. cit., p.176.

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