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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Stefano sont saturés <strong>de</strong> passé, mais elle paraît au narrateur « bourrue,<br />

humiliée par cette sorte <strong>de</strong> délabrement moral qui l’affligeait », et il ajoute : « il y a <strong>de</strong>s<br />

maisons, j’en connais, qui sont atteintes d’une maladie <strong>de</strong> l’âme contre lesquelles on ne<br />

peut rien, sinon essayer <strong>de</strong> réconforter les mala<strong>de</strong>s à force d’amour, en leur rendant le goût<br />

<strong>de</strong> vivre » (FTA, 67). L’expression « délabrement moral » est intéressante. <strong>Le</strong> mot<br />

délabrement s’emploie à propos <strong>de</strong>s édifices, et peut être utilisé aussi en parlant d’une<br />

personne dont la santé s’est altérée. Moral est à prendre <strong>dans</strong> un sens ancien, vieilli, c'est-àdire<br />

relatif à l’âme, à l’esprit et suppose une distinction entre <strong>de</strong>ux plans <strong>de</strong> réalité : la<br />

réalité matérielle et la réalité spirituelle. Matériellement, la maison est assez bien<br />

entretenue. Elle obéit cependant à <strong>de</strong>s lois mystérieuses comme la villa <strong>de</strong>s Oléandres <strong>dans</strong><br />

<strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse qui l’affectent en profon<strong>de</strong>ur. La maison souffre, mala<strong>de</strong><br />

d’être délaissée, et parce qu’elle gar<strong>de</strong> en mémoire et partage la souffrance <strong>de</strong> Stefano<br />

qu’il tente en vain d’apaiser <strong>dans</strong> la musique.<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> construit un mon<strong>de</strong> où tout est habité, traversé par une mémoire en<br />

lien avec les mon<strong>de</strong>s archaïques. La ville d’Algues est marquée par sa dimension<br />

historique. Elle porte les marques d’une histoire longue <strong>de</strong> plusieurs siècles. Une mémoire<br />

est présente <strong>dans</strong> le <strong>de</strong>ssin <strong>de</strong>s rues, les pierres <strong>de</strong>s bâtiments, les noms <strong>de</strong>s rues et <strong>de</strong>s<br />

quais. Mais cette histoire s’inscrit <strong>dans</strong> un contexte très ancien, mythologique. Et ce passé<br />

attend <strong>de</strong>s circonstances favorables pour se manifester à nouveau. <strong>Le</strong> passé n’est pas<br />

définitivement mort. La vieille mythologie du dragon est réactualisée par le geste du<br />

Grimpeur qui met en scène le combat <strong>de</strong> Sir Nepomuk contre le dragon. On assiste à la<br />

répétition du même combat jusqu’au jour où le dragon enfin vainqueur parvient à se<br />

venger. L’issue tragique <strong>de</strong> la bataille signifie la disparition <strong>de</strong> la ville, happée par les eaux<br />

primordiales.<br />

<strong>Le</strong>s objets peuvent aussi faire resurgir <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s anciens. <strong>Le</strong>s personnages du<br />

Pré du grand songe ont une relation privilégiée avec les objets. Chil, l’oncle Charibert,<br />

sont entourés d’ « objets magiques » (PGS, 21), pierre, grand plateau empire, collier<br />

d’agate et d’ambre, casque, robe <strong>de</strong> poupée, livres… Monsieur Dauphin conserve <strong>dans</strong> sa<br />

chambre les objets qu’il a aimés durant son enfance : un Napoléon <strong>de</strong> cuivre, un archer<br />

anglais, une vieille cravate, une balle <strong>de</strong> tennis. Derrière tous ces objets, il y a <strong>de</strong>s images<br />

<strong>de</strong> Monsieur Dauphin enfant. Mais le temps s’approfondit encore davantage : l’ensemble<br />

<strong>de</strong> ces trésors tisse autour <strong>de</strong> lui « la tapisserie <strong>de</strong>s rêves anciens et éternels » (PGS, 146). Il<br />

se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce que ces objets vont <strong>de</strong>venir lorsqu’il sera parti à la guerre. À la fin du<br />

roman, il n’emporte rien, laissant <strong>de</strong>rrière lui cet ensemble d’objets qui vont cesser <strong>de</strong>

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