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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

y a <strong>dans</strong> le <strong>fantastique</strong> <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> une glorification <strong>de</strong> la matière et une tentative<br />

d’enchantement <strong>de</strong> ce qu’une pensée classique ou rationnelle considérerait comme<br />

inanimé. <strong>Le</strong>s objets bénéficient d’une sollicitu<strong>de</strong> émouvante, par exemple la marionnette<br />

Miguelito <strong>dans</strong> L’Enchanteur. Faite d’étoupe et <strong>de</strong> chiffons, elle possè<strong>de</strong> néanmoins, aux<br />

yeux du narrateur, une vie propre, souffre d’être éloignée <strong>de</strong> son maître Palling. <strong>Le</strong> père<br />

Kasperlé, un <strong>de</strong>s multiples personnages rencontrés <strong>dans</strong> ce roman, appelé ainsi parce qu’il<br />

a été montreur <strong>de</strong> marionnettes avant d’entrer en religion, affirme que « les objets qui sont<br />

étroitement associés à la vie <strong>de</strong>s hommes finissent par participer aussi à leurs passions »<br />

(E, 155).<br />

Une même amitié, un même élan dirige les personnages vers la nature, si bien<br />

qu’il n’y a plus <strong>de</strong> division nette entre les hommes, les objets, les animaux, les végétaux,<br />

les pierres. <strong>Le</strong> narrateur <strong>de</strong> L’Ombre d’un arbre mort se sent proche <strong>de</strong>s animaux, c’est ce<br />

qui le conduit à prendre parti contre la chasse : « Rejoindre la chasse, comme on me l’avait<br />

proposé (…) ne m’avait pas tenté ; je n’ai jamais accepté <strong>de</strong> disposer <strong>de</strong> la vie ou <strong>de</strong> la<br />

mort d’un animal » (OAM, 9). Dans toute l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> s’exprime un véritable<br />

attachement vis-à-vis, en particulier, <strong>de</strong>s chevaux, <strong>de</strong>s chiens, <strong>de</strong>s oiseaux. <strong>Le</strong>s animaux<br />

prennent aisément place <strong>dans</strong> le <strong>fantastique</strong>, <strong>dans</strong> la mesure où ils perçoivent l’existence <strong>de</strong><br />

l’invisible, comme le lézard <strong>de</strong> Nous avons traversé la montagne. Ils sont situés sur les<br />

frontières, en particulier les oiseaux qui appartiennent à l’espace du ciel et à celui <strong>de</strong> la<br />

terre. <strong>Le</strong>s cygnes du Château <strong>de</strong> la princesse Ilse sont associés au lac <strong>de</strong> montagne, lieu <strong>de</strong><br />

lisière lui aussi, et ils désignent une autre frontière : « Lorsque la nuit vient et qu’ils<br />

s’assoupissent, je surprends quelquefois le très bas et très lent ronronnement <strong>de</strong> leurs rêves,<br />

accordé aux profon<strong>de</strong>s expirations <strong>de</strong> l’eau » (CPI, 14). Enfin, ils sont en lien avec les<br />

univers <strong>fantastique</strong>s, ont parfois un rôle d’intermédiaire, comme le cheval <strong>de</strong> L’Ombre<br />

d’un arbre mort ou le serpent qui apparaît soudain <strong>dans</strong> De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt. <strong>Le</strong>s<br />

oiseaux <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes ne sont pas seulement habitants voyageurs du ciel<br />

et <strong>de</strong> la terre, ils sont les envoyés d’un mon<strong>de</strong> énigmatique venus fréquenter la scène <strong>de</strong> la<br />

vie ordinaire.<br />

Une gran<strong>de</strong> intimité avec les arbres est exprimée <strong>dans</strong> Algues, <strong>dans</strong> Château<br />

d’ombres. <strong>Le</strong> surintendant <strong>de</strong>s jardins est lui-même très proche <strong>de</strong>s végétaux, et affirme :<br />

Notre cœur doit être en habit <strong>de</strong> fête quand nous rendons visite aux arbres : il faut nous vêtir <strong>de</strong><br />

paix et <strong>de</strong> beauté, comme pour approcher les grands <strong>de</strong> la terre. J’ai connu un roi et plusieurs<br />

princes : aucun d’entre eux n’approchait en dignité une humble plante. (CO, 38)<br />

<strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> prend ici la tonalité du merveilleux. <strong>Le</strong> surintendant <strong>de</strong>s jardins<br />

accor<strong>de</strong> une place importante à la beauté intérieure, sur laquelle s’interroge aussi l’écolier

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