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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

pouvoir sur ce train qui l’emmène. Après avoir été pris au piège du train, il vient prendre<br />

place sur le bateau, se situant <strong>dans</strong> l’ignorance <strong>de</strong>s véritables projets d’Ermete.<br />

<strong>Le</strong> lecteur trouve, <strong>dans</strong> la plupart <strong>de</strong>s romans un jeu d’alternance entre le fermé<br />

et l’ouvert, en particulier <strong>dans</strong> Nous avons traversé la montagne. Au début du roman, les<br />

voyageurs s’installent <strong>dans</strong> une auberge et, rassemblés, réinventent chacun à leur manière<br />

l’histoire <strong>de</strong> la « Reine découronnée ». Durant cette première séquence narrative, nous<br />

passons d’une vue <strong>de</strong> l’environnement immédiat <strong>de</strong>s personnages à une vue beaucoup plus<br />

large dirigée vers l’horizon du désert. Il s’agit d’un mouvement significatif du <strong>de</strong><strong>dans</strong> vers<br />

le <strong>de</strong>hors, du fermé vers l’ouvert. Durant la totalité du roman, les passages entre ouvert et<br />

fermé se succè<strong>de</strong>nt, mouvement d’alternance entre vues restreintes et vastes échappées<br />

vers l’infini <strong>de</strong>s déserts, <strong>de</strong>s plateaux herbeux, <strong>de</strong>s montagnes, du ciel. <strong>Le</strong>s lieux qui<br />

marquent un arrêt <strong>dans</strong> la progression, l’auberge, les espaces souterrains où se déroulent<br />

les rituels nocturnes dont nous avons parlé, les balcons rocheux, puits, tombes, fentes <strong>de</strong><br />

glacier, hutte <strong>de</strong> berger, sont autant <strong>de</strong> figures diverses du « mon<strong>de</strong> du clos », ou du mon<strong>de</strong><br />

du « <strong>de</strong>ssous ». Nous pourrions ainsi établir un schéma <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s successifs du roman,<br />

et nous aboutirions à un ensemble, à un maillage compliqué où les séquences s’emboîtent<br />

et se relient les unes aux autres. Ce mouvement possè<strong>de</strong> un double psychique : au fermé<br />

correspon<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s sentiments tels que le découragement, l’anxiété, l’inquiétu<strong>de</strong>, la<br />

mélancolie <strong>dans</strong> ce qu’elle peut avoir d’enfermant ; à l’ouvert le désir, l’élan, la mélancolie<br />

créatrice. <strong>Le</strong> paysage déployé est à la fois extérieur et intérieur.<br />

Au début <strong>de</strong> L’Ombre d’un arbre mort, le narrateur qui vient d’arriver à<br />

<strong>de</strong>stination passe du jardin à la forêt, et <strong>de</strong> la forêt à un espace découvert en bordure <strong>de</strong><br />

mer. Ce mouvement reproduit une tendance qui correspond, sur le plan esthétique, à ce qui<br />

se passe durant la fin du XVIII e siècle <strong>dans</strong> le domaine <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s jardins. On passe<br />

du jardin clos au jardin ouvert sur les perspectives lointaines du mon<strong>de</strong> environnant et sur<br />

la libre nature sauvage. La progression est inverse au début <strong>de</strong> Château d’ombres. Passant<br />

<strong>de</strong> la forêt au parc, le narrateur entre <strong>dans</strong> une dynamique du fermé, et durant tout le roman<br />

a la sensation <strong>de</strong> se mettre en danger, la crainte <strong>de</strong> trop rester, <strong>de</strong> trop se lier au <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s<br />

âmes en peine, <strong>de</strong> les rejoindre au sein <strong>de</strong> ce temps circulaire <strong>dans</strong> lequel elles se meuvent<br />

inlassablement, répétant à l’infini les mêmes gestes désespérés. Deux motifs décoratifs<br />

agissent dès l’incipit comme un signal, celui <strong>de</strong> la guirlan<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la coquille représentées<br />

en sculpture à l’entrée du parc qui correspon<strong>de</strong>nt au motif <strong>de</strong> la tresse : « Je marchais<br />

<strong>de</strong>puis longtemps déjà le long <strong>de</strong> ce mur, étonné qu’aucune porte n’en interrompît la<br />

sévérité, quand j’arrivai soudain <strong>de</strong>vant un grand portail à montants <strong>de</strong> pierre, sculptés <strong>de</strong><br />

guirlan<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> coquilles » (CO, 13). La végétation du fossé, désordonnée, avec son

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