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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

plus que <strong>de</strong>s « murs bas <strong>de</strong> briques rousses » et <strong>de</strong>meure ouverte à tous les diables, comme<br />

la maison <strong>de</strong> Bardouk, le conteur <strong>de</strong> La Ville <strong>de</strong> sable :<br />

J’habite une maison qui n’a ni murs ni toit. Un caravansérail en ruine, <strong>de</strong>s anciens temps. Des<br />

milliers d’êtres sont passés là, avec leurs drames et leurs plaisirs. Quelques pans <strong>de</strong> brique restent<br />

encore <strong>de</strong>bout, imprégnés <strong>de</strong> leurs angoisses et <strong>de</strong> leurs extases. (VS, 70)<br />

Et cet espace est investi par d’autres présences : « Des silhouettes <strong>de</strong> brume se<br />

détachent <strong>de</strong>s briques anciennes, et rô<strong>de</strong>nt <strong>dans</strong> les vastes salles vi<strong>de</strong>s, la nuit. Ce sont <strong>de</strong>s<br />

présences amicales, plus légères et plus fines que les vivants » (VS, 70).<br />

La maison correspond à l’être du conteur, tout entier traversé par ceux qui vont<br />

animer ses histoires. Autrement dit, la maison est à l’image <strong>de</strong> l’homme. Gaston Bachelard<br />

a montré la relation qui existe entre l’image <strong>de</strong> la maison et l’être intérieur. La maison<br />

« illustre la verticalité <strong>de</strong> l’humain » 404 . La vie s’accomplit entre la montée et la <strong>de</strong>scente,<br />

l’ascension et l’enfouissement, l’homme étant, <strong>dans</strong> la perspective <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>,<br />

« enfant <strong>de</strong> la terre et du ciel ». Gaston Bachelard déchiffre <strong>dans</strong> cette verticalité l’image<br />

même du psychisme humain. Au grenier, celui par exemple <strong>de</strong> la « maison du<br />

Connétable », appartiennent les pensées claires, les certitu<strong>de</strong>s rassurantes, à la cave, celle<br />

par exemple <strong>de</strong> la <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> Bardouk, les pensées ténébreuses, toute la part mystérieuse,<br />

inconsciente, <strong>de</strong> l’humain.<br />

La maison suppose une certaine relation avec l’extérieur. Elle peut s’ouvrir<br />

totalement au mon<strong>de</strong> extérieur, elle peut se refermer sur elle-même, et le cœur humain<br />

entretient un dialogue d’une semblable nature avec le mon<strong>de</strong> qui l’entoure. L’habitation en<br />

proie aux présences <strong>fantastique</strong>s représente l’homme traversé par le <strong>fantastique</strong>, la mise en<br />

déroute <strong>de</strong> l’homme <strong>de</strong> raison qui admet la possibilité <strong>de</strong> l’existence du surnaturel.<br />

La maison constitue donc un miroir. Dans <strong>Le</strong> Journal du visiteur, et L’Ombre<br />

d’un arbre mort, un véritable dialogue commence entre la faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> la maison et<br />

l’observateur. La maison <strong>de</strong> Castlemorleigh apparaît « assez triste et sévère (…)<br />

étrangement froi<strong>de</strong>, et comme dénuée d’âme » (OAM, 7). Elle est d’une architecture<br />

classique, d’ « une ennuyeuse correction », et le narrateur n’y entre pas, préfère s’enfoncer<br />

<strong>dans</strong> le jardin. Celle du Journal du visiteur semble plus intéressante, et un dialogue<br />

commence entre le personnage et la maison qui porte en elle un potentiel <strong>fantastique</strong>. <strong>Le</strong><br />

narrateur reste en arrière, « interrogeant la maison », qu’il considère comme un véritable<br />

être vivant :<br />

404 Ibid., p.41.

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