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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

messages doivent être déchiffrés. Ils savent tout à coup qu’il n’existe pas <strong>dans</strong> l’univers <strong>de</strong><br />

différence réelle <strong>de</strong> nature entre les hommes, les végétaux, les animaux et les choses. <strong>Le</strong><br />

héros est quelqu’un qui fait amitié avec les choses et apprend à les écouter.<br />

Tout comme <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> lui-même, le héros brionien aime beaucoup les<br />

poupées, les marionnettes, les automates, objets qui paraissent proches par leur apparence<br />

extérieure <strong>de</strong>s êtres humains. Dans L’Enchanteur, la marionnette Miguelito est considérée<br />

par le narrateur comme un compagnon, un être vivant au même titre que les gens qu’il<br />

rencontre. Une intimité profon<strong>de</strong> est possible aussi avec les végétaux et les arbres. Dans<br />

une longue parenthèse, le narrateur d’Algues élève l’arbre au statut d’être vivant, et abolit<br />

les frontières entre les hommes et les choses :<br />

(Un regret me vient d’avoir écrit ces <strong>de</strong>rniers mots : comment puis-je parler du silence du bois,<br />

même <strong>de</strong> chêne, alors que je connais si bien la voix intérieure <strong>de</strong>s arbres, celle <strong>de</strong>s troncs et non<br />

pas le chantonnement périphérique <strong>de</strong>s rameaux et <strong>de</strong>s feuilles : la voix <strong>de</strong> la respiration <strong>de</strong> l’être<br />

tout entier, tirée <strong>de</strong>s plus lointaines profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la terre, ce susurrement <strong>de</strong>s tissus ligneux, ces<br />

vibrations qui s’entrecroisent, <strong>de</strong>s racines au faîte, du cœur – et qu’il est juste et beau <strong>de</strong> parler du<br />

« cœur » d’un arbre –, jusqu’à l’écorce. Même mort, le bois communique avec nous par une<br />

voix… la nommerai-je fantomatique ?... qui n’est plus la voix <strong>de</strong> l’arbre vivant, certes, mais une<br />

bouleversante qualité <strong>de</strong> murmure spirituel, <strong>de</strong> chant <strong>de</strong> l’âme, qui survit…) (A, 38)<br />

L’utilisation <strong>de</strong>s parenthèses donne à ce discours l’allure d’une confi<strong>de</strong>nce intime<br />

qui correspond bien avec cette relation particulière que le narrateur possè<strong>de</strong> avec les arbres.<br />

<strong>Le</strong> personnage est ici récepteur d’un ensemble sonore, d’une « voix », d’un<br />

« susurrement », <strong>de</strong> « vibrations ». À partir du moment où il <strong>de</strong>vient récepteur, une intimité<br />

est possible avec ce qu’il considère comme l’ « être » <strong>de</strong> l’arbre 351 .<br />

Dans La Ville <strong>de</strong> sable, le narrateur reçoit, en plus d’un nouveau vêtement, une<br />

écharpe offerte par son ami le Persan. Ce ca<strong>de</strong>au est à la fois une adoption et « un acte<br />

d’initiation » (VS, 38). Une écharpe est portée aussi par le conteur Bardouk, Alana qui<br />

<strong>de</strong>vient l’épouse du narrateur, la Mère <strong>de</strong>s signes. L’objet <strong>de</strong>vient le signe <strong>de</strong><br />

l’appartenance à une communauté. <strong>Le</strong> Persan est ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> tapis, et le contact avec cet<br />

objet suppose l’accomplissement d’un véritable voyage initiatique en miniature. <strong>Le</strong> tapis<br />

possè<strong>de</strong> d’abord une efficacité sensorielle : « C’était la couleur <strong>de</strong> ce tapis, d’abord, qui<br />

m’avait attiré, cette harmonie riche et étrange <strong>de</strong> jaune, <strong>de</strong> pourpre et <strong>de</strong> brun » (VS, 34).<br />

Une surface est offerte aux sens : « Et puis cela sentait l’ambre, le silex, l’herbe brûlée »<br />

(VS, 34). <strong>Le</strong> tapis permet l’action simultanée <strong>de</strong> la vue et <strong>de</strong> la vision <strong>dans</strong> laquelle il y a<br />

intervention <strong>de</strong> l’imagination, « On songeait d’abord à un jardin, on en suivait les allées et<br />

351 Une telle intimité est éprouvée aussi par Adalbert <strong>dans</strong> De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt qui raconte comment un<br />

arbre, un jour, est « venu au <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> lui ». (p.60)

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