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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Faust <strong>de</strong> Goethe, Princesse Brambilla d’E.T.A. Hoffmann où le thème du double s’associe<br />

à celui du carnaval. À ces œuvres fondatrices s’ajoutent celles d’Edgar Poe, <strong>de</strong> Gérard <strong>de</strong><br />

Nerval, <strong>de</strong> Maupassant, et le double continue au XX e siècle à poser le problème <strong>de</strong><br />

l’i<strong>de</strong>ntité humaine. Sur fond d’angoisse et d’inquiétu<strong>de</strong>, l’homme recherche sa véritable<br />

nature, hanté par les discordances <strong>de</strong> la vie intérieure et l’impossibilité <strong>de</strong> réconcilier <strong>de</strong>s<br />

mois opposés. L’histoire <strong>de</strong> Doppelgänger <strong>de</strong>vient plus dramatique et plus <strong>fantastique</strong><br />

lorsque l’individu est dominé, voire dévoré, détruit par son double.<br />

<strong>Le</strong> thème du double traverse l’ensemble <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>. Ses<br />

personnages possè<strong>de</strong>nt, comme lui, un double versant, à commencer par Bernard qui, <strong>dans</strong><br />

<strong>Le</strong> Caprice espagnol, <strong>de</strong>vient André Ar<strong>de</strong>n, et commence une nouvelle vie pleine<br />

d’imprévus et <strong>de</strong> rebondissements, et, dit Patrick Besnier, « il serait au fond possible <strong>de</strong> lire<br />

ce livre comme une variation sur un <strong>de</strong>s thèmes majeurs <strong>de</strong> la littérature <strong>fantastique</strong>, celui<br />

du double » 322 . Mais revenons à De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt. Qui est donc, <strong>dans</strong> ce roman ce<br />

« quelqu’un » mal défini ? La trace sans doute <strong>de</strong> ce qu’Adalbert a égaré, oublié tout au<br />

long d’une vie obscurcie par les obligations <strong>de</strong> la vie sociale menée à Berlin. Pour cette<br />

autre personne enfouie, la forêt n’est pas un milieu hostile. Elle n’est pas telle qu’elle<br />

apparaît tout au début du roman, ce lieu redoutable où l’on risque à tout moment <strong>de</strong> se<br />

perdre, où se manifeste la sauvagerie d’une végétation primitive. Elle est au contraire<br />

« enchantement et ravissement », un décor <strong>de</strong> conte <strong>de</strong> fée, <strong>de</strong> roman <strong>de</strong> chevalerie ou <strong>de</strong><br />

roman <strong>fantastique</strong>. De la même manière, la nuit est pour l’être raisonnable un espace <strong>de</strong><br />

perdition, associée au mon<strong>de</strong> inquiétant <strong>de</strong>s arbres qui <strong>dans</strong> l’obscurité <strong>de</strong>viennent<br />

menaçants. Mais pour le double d’Adalbert elle est « chargée du parfum aci<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sapins »,<br />

c’est le lieu où se révèle une autre lumière, une musique aussi qui ne peut être perçue que<br />

sur fond <strong>de</strong> silence. Cette nuit est favorable à la remontée <strong>de</strong>s souvenirs qui vont occuper la<br />

suite du roman.<br />

<strong>Le</strong> souvenir <strong>de</strong> la petite Steffi rencontrée autrefois à Ba<strong>de</strong>n-Ba<strong>de</strong>n constitue le<br />

premier maillon d’une chaîne <strong>de</strong> souvenirs successifs qui commencent à s’emboîter les uns<br />

<strong>dans</strong> les autres : souvenir <strong>de</strong> voyage en Russie, d’une excursion en montagne dont nous<br />

reparlerons, <strong>de</strong> rencontres amoureuses qui constituent autant <strong>de</strong> paliers <strong>dans</strong> l’existence. <strong>Le</strong><br />

souvenir et le rêve dévoilent une réalité rejetée <strong>dans</strong> les territoires confus <strong>de</strong> l’oubli. Alors<br />

que les souvenirs resurgissent, Adalbert découvre son propre reflet, <strong>de</strong>vient le spectateur <strong>de</strong><br />

322 Patrick Besnier, « D’un caprice à l’autre », <strong>dans</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, les chambres <strong>de</strong> l’imaginaire, op.<br />

cit., p.145.

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