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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

L’affrontement entre Merlin et le singe est la reprise du combat qui a eu lieu au<br />

chapitre seize entre le monstre d’ébène, la « carcasse diabolique » et le père Kasperlé.<br />

Tintagel prend à son compte cet affrontement plus intense : « Moi seul. C’est une affaire<br />

entre eux et moi ! » (E, 238). Que signifie « eux » ? La réponse est donnée un peu plus loin<br />

par le narrateur : « Je me rappelais ce que disent les vieux rituels <strong>de</strong> magie au sujet <strong>de</strong><br />

certains démons qu’il faut tuer <strong>de</strong>ux fois » (E, 238). Ceci est confirmé au chapitre suivant<br />

par le père Kasperlé : « <strong>Le</strong> vieil ennemi est revenu ? Je sais. On ne se débarrasse pas <strong>de</strong> lui<br />

si facilement (…) » (E, 242).<br />

De ce combat, Tintagel semble sortir perdant : « On eût dit qu’il cherchait la<br />

trappe par où il remonte, après son numéro, entre les anges…vous vous rappelez…mais il<br />

ne l’a pas trouvée. Il est tombé » (E, 238). <strong>Le</strong> mot ange prend une autre valeur. Au début<br />

du roman, il s’agit d’anges peints sur une décoration baroque. Ils passent du statut <strong>de</strong><br />

représentation à celui <strong>de</strong> réalité. Pourtant le narrateur propose une autre interprétation, qui<br />

correspond à la thématique du triomphe baroque : « Et Tintagel, flamboyant, est tombé,<br />

vainqueur, dis-je à Boneca ». Et le clown confirme cette vision <strong>de</strong>s choses : « <strong>Le</strong> clown,<br />

étonné, fit oui <strong>de</strong> la tête. Il ne savait pas tout, mais il pressentait beaucoup <strong>de</strong> choses » (E,<br />

238). La mort <strong>de</strong> Tintagel est accession à un autre espace, et nous retrouvons ici l’image du<br />

fleuve noir, perçu par le regard visionnaire <strong>de</strong> Viviane :<br />

(…) l’on sentait que tout son être s’en allait, dérivant sur un grand fleuve noir (…). Agenouillée<br />

près <strong>de</strong> lui, Viviane le regardait flotter à travers un espace vacant où nous ne pouvions pas le<br />

suivre. Elle le voyait lutter contre les remous du fleuve noir, reprendre haleine un instant avant <strong>de</strong><br />

disparaître <strong>de</strong> nouveau sous les vagues, traîné à travers <strong>de</strong>s eaux limoneuses <strong>dans</strong> un paysage sans<br />

lumière et sans air. (E, 239)<br />

<strong>Le</strong> combat se poursuit <strong>dans</strong> un paysage <strong>fantastique</strong> où les forces <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction<br />

continuent, sous la forme d’une eau violente, à se déchaîner. « Vous allez traverser <strong>de</strong>s<br />

chemins effrayants », dit le père Kasperlé, et ces chemins antiques sont encore plus<br />

effrayants que les « difficiles et dangereux chemins » qui se présentent <strong>de</strong>vant le mourant<br />

<strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes : « Votre âme est un papillon, et il y aura <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>s<br />

tempêtes autour <strong>de</strong> vous et <strong>de</strong>s bourrasques, <strong>dans</strong> la nuit, et du brouillard » (E, 245).<br />

La foire, la baraque <strong>de</strong> foire est tout autant favorable à l’installation du<br />

<strong>fantastique</strong> que le cirque. Ces mon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’illusion <strong>de</strong>viennent mon<strong>de</strong>s réels, ouvrent sur<br />

<strong>de</strong>s espaces et <strong>de</strong>s temps inattendus, comme c’est le cas <strong>dans</strong> L’Ermite au masque <strong>de</strong><br />

miroir. Hélène et le narrateur entrent au début <strong>de</strong> ce roman <strong>dans</strong> le « Geisterburg » (le<br />

château <strong>de</strong>s esprits) avec le désir <strong>de</strong> s’amuser et <strong>de</strong> se divertir. <strong>Le</strong> voyage en traîneau qu’ils<br />

commencent propose une succession d’espaces qui obtiennent le même statut que l’espace<br />

réel. <strong>Le</strong>s personnages traversent <strong>de</strong>s prés, parviennent au seuil d’une grotte habitée par un

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