27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

442<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

ci n’étant pour le moment encore qu’une substance pâteuse, mal mo<strong>de</strong>lée, encombrée d’essais<br />

infructueux, <strong>de</strong> banalités et <strong>de</strong> hardiesses vaniteuses. (NATM, 256)<br />

Ce qui est mis en scène, c’est un bruit « vague et confus » qui tire son origine<br />

d’un élément naturel, et un souvenir personnel qui se caractérise par une discordance<br />

intérieure. Berg s’est isolé <strong>de</strong> ses compagnons <strong>de</strong> voyage, sans les avertir <strong>de</strong> son départ. Il<br />

ignore lui-même ce vers quoi il se dirige, obéissant à un appel sonore, et il s’engage sur un<br />

itinéraire incertain, livré à la complexité <strong>de</strong> sentiments contradictoires. À cette complexité,<br />

ainsi qu’à celle d’un paysage chaotique <strong>de</strong> haute montagne correspond cette variété <strong>de</strong><br />

timbres caractéristique d’une formation symphonique.<br />

<strong>Le</strong> personnage du roman le plus sensible à cette musique est Wenzel qui,<br />

remarque Pierre Brunel, « porte le nom d’un compagnon <strong>de</strong> Robert Schumann » 682 . Au<br />

chapitre sept, Wenzel tombe mala<strong>de</strong>, et ses compagnons sont contraints <strong>de</strong> le confier à un<br />

gardien <strong>de</strong> chevaux qui l’installe à l’intérieur d’une cabane où il peut enfin trouver le<br />

repos. Il prend alors davantage conscience <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> la nature :<br />

Wenzel prend conscience <strong>de</strong>s plus infimes palpitations <strong>de</strong> la nature, les froissements soyeux <strong>de</strong> la<br />

terre, les troncs <strong>de</strong>s arbres qui se ten<strong>de</strong>nt et se fendillent, les bourgeons qui se déroulent en<br />

tâtonnant <strong>dans</strong> l’air tiè<strong>de</strong>, l’eau <strong>de</strong>s sources qui se promène tout au long <strong>de</strong> ses voies souterraines<br />

et retombe <strong>de</strong> la faille du rocher au creux d’une vasque <strong>de</strong> marbre, les craquements <strong>de</strong> l’ossature<br />

<strong>de</strong>s constellations, l’aci<strong>de</strong> arôme <strong>de</strong> lait <strong>de</strong> jument <strong>de</strong>s galaxies. (NATM, 225)<br />

Wenzel parcourt un univers sonore composé <strong>de</strong> « palpitations », <strong>de</strong><br />

« froissements », <strong>de</strong> « craquements ». Cette perception du mon<strong>de</strong> dont il perçoit l’infinité<br />

l’emmène vers <strong>de</strong>s souvenirs d’enfance. Sa méditation le transporte <strong>dans</strong> les rues d’une<br />

vieille ville, et <strong>dans</strong> le jardin où son professeur <strong>de</strong> musique l’invite à jouer l’andante <strong>de</strong> la<br />

sonate posthume <strong>de</strong> Schubert. Wenzel possè<strong>de</strong> une gran<strong>de</strong> sensibilité musicale, mais il lui<br />

manque la technique <strong>de</strong> l’exécutant. À la musique, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> surtout <strong>de</strong> créer un état <strong>dans</strong><br />

lequel le rêve, la vision se trouveront stimulés. C’est <strong>dans</strong> le jardin, que se mêlent avec<br />

bonheur les parfums, les lumières, les sons, lieu d’expression <strong>de</strong> la musique, mon<strong>de</strong> limité<br />

mais largement ouvert <strong>dans</strong> la mesure où Wenzel y trouve une perception <strong>de</strong> la vie forte,<br />

mouvante qui s’impose et se manifeste par la production d’une musique subtile : « <strong>Le</strong>s<br />

fenêtres sont ouvertes à l’invasion <strong>de</strong>s lilas et à ce trille <strong>de</strong> la fontaine qui s’agite avec une<br />

joie enfantine » (NATM, 229). <strong>Le</strong> gardien <strong>de</strong> chevaux entre <strong>dans</strong> la hutte où repose Wenzel<br />

et lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> venir « écouter le lever du soleil » :<br />

682 Pierre Brunel, <strong>Le</strong>s arpèges composés , op. cit., p.118. Wenzel est cité <strong>dans</strong> Schumann et l’âme<br />

romantique <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, op. cit., p.160 : « (…) il y avait le bizarre Wenzel, qui avait hésité longtemps<br />

entre la théologie et la musique, avant <strong>de</strong> choisir celle-ci (…) ».

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!