27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

168<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

prototype <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> récit est Princesse Brambilla <strong>de</strong> E.T.A. Hoffmann, ainsi que le<br />

rappelle <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> L’Allemagne romantique :<br />

Princesse Brambilla est, au sens le plus fort, un capriccio, c'est-à-dire une harmonieuse et<br />

homogène association d’un récit réaliste, d’un mythe et d’une transposition littéralement<br />

capricieuse en langage <strong>de</strong> carnaval, c'est-à-dire <strong>de</strong> suprême déraison et d’anti-raison, du message<br />

qui ne prend toute sa signification que s’il se masque d’images inversées, posées sur lui comme la<br />

grille d’un cryptogramme. 304<br />

Qu’est-ce qui caractérise un récit tel que Princesse Brambilla ? On trouve <strong>dans</strong> ce<br />

récit beaucoup d’incohérence, la multiplication d’événements cocasses, une trame<br />

historique qui suit un chemin labyrinthique. D’autre part, ce qui se passe à l’état <strong>de</strong> veille<br />

se mélange à ce qui se passe à l’état <strong>de</strong> rêve. Au même titre que le carnaval, le rêve est un<br />

instrument <strong>de</strong> connaissance. C’est par le biais <strong>de</strong> l’aventure onirique et du carnaval que le<br />

héros Giglio parvient à la connaissance et à l’accomplissement <strong>de</strong> lui-même. Sous<br />

l’apparence d’un récit hautement fantaisiste sont livrés <strong>de</strong>s messages, <strong>de</strong> multiples leçons<br />

plus profon<strong>de</strong>s qu’il n’y paraît. En présentant donc L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir comme<br />

un capriccio, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> se situe <strong>dans</strong> le sillage <strong>de</strong> ceux qui, nous explique Werner<br />

Hofmann, « manient les faits <strong>de</strong> la réalité perceptible en procédant à <strong>de</strong>s choix et à <strong>de</strong>s<br />

combinaisons, (…) dissolvent le système <strong>de</strong> coordonnées <strong>de</strong> la raison et ébauchent <strong>de</strong>s<br />

ensembles formels <strong>dans</strong> lesquels plusieurs niveaux <strong>de</strong> réalité se touchent et<br />

s’entrecroisent ». 305<br />

Dans Art <strong>fantastique</strong>, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> distingue divers sens du mot caprice. Il<br />

semble désigner, dit-il, « le jeu pur, la fantaisie innocente – j’entends gratuite –, et exclure<br />

les rapports symboliques, philosophiques, mystiques » 306 . Dans ce cas le caprice n’a pas <strong>de</strong><br />

sens profond. Mais l’artiste a pu « sous le déguisement du caprice énoncer une idée qu’il<br />

hésitait à formuler en clair, laissant aux initiés le soin <strong>de</strong> comprendre et d’interpréter le<br />

message, ou, aussi, enfermer sous l’apparence du jeu, une pensée enclose <strong>dans</strong> son<br />

subconscient » 307 .<br />

L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir commence <strong>dans</strong> une baraque <strong>de</strong> foire appelée<br />

« Geisterburg », lieu <strong>de</strong> divertissement, d’illusion qui reprend d’une autre manière le motif<br />

du carnaval hoffmanien. <strong>Le</strong> roman met en scène <strong>de</strong>s personnages « désoeuvrés, indécis »,<br />

qui entrent « presque par hasard », décidés à se divertir et se contenter « d’amusements<br />

enfantins » (EMM, 13). Un trajet en traîneau commence alors durant lequel sont traversés<br />

304 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Allemagne romantique, tome 2, op. cit., p.168.<br />

305 Werner Hofman, Une époque en rupture, 1750-1830, Paris, Gallimard, 1995, p.22.<br />

306 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Art <strong>fantastique</strong>, op. cit., p.42.<br />

307 Ibid., p.42.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!