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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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définitivement, à ce qui est habituellement appelé le réel, entreprennent <strong>de</strong> découvrir un<br />

autre côté, et inversent les pôles du réel et <strong>de</strong> l’illusion.<br />

409<br />

3. « Il y avait beaucoup <strong>de</strong> statues <strong>dans</strong> le parc… »<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

La statue est simulacre <strong>de</strong> l’humain. De même que les marionnettes et les<br />

automates, elle porte une ambiguïté, brouille la frontière entre une nature matérielle et une<br />

nature d’être créé en qui un créateur aurait insufflé une part <strong>de</strong> vie. Grâce à cette<br />

ambiguïté, la statue exerce une fascination. <strong>Le</strong> corps <strong>de</strong> pierre <strong>de</strong> la statue gar<strong>de</strong> une<br />

parenté avec le corps vivant, et cela suscite <strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong>.<br />

<strong>Le</strong>s statues ont une place <strong>de</strong> choix <strong>dans</strong> Château d’ombres. Elles jalonnent le<br />

parc, et la rencontre <strong>de</strong> ces statues <strong>dans</strong> différents carrefours joue un rôle non négligeable<br />

<strong>dans</strong> la production <strong>de</strong> l’effet <strong>fantastique</strong>. Voici comment se déroule la première rencontre :<br />

« J’avais aperçu du coin <strong>de</strong> l’œil un homme <strong>de</strong>bout entre les arbres, qui me regardait. Nous<br />

restâmes immobiles l’un et l’autre, mais il l’était <strong>de</strong>puis plus longtemps que moi et il <strong>de</strong>vait<br />

le rester pendant toute l’éternité » (CO, 47). La première phrase laisse penser qu’il s’agit<br />

d’une présence vivante. Puis le narrateur se rend compte qu’il s’agit d’une illusion et que<br />

cet « homme <strong>de</strong>bout » n’est autre qu’une statue placée là afin <strong>de</strong> ménager un effet <strong>de</strong><br />

surprise. <strong>Le</strong> mot statue n’est pas utilisé, ce qui montre que l’effet <strong>de</strong> surprise est total. Cette<br />

rencontre laisse « une impression <strong>de</strong> malaise » (CO, 50) d’autant plus gran<strong>de</strong> qu’il y a<br />

« beaucoup <strong>de</strong> statues <strong>dans</strong> le parc », et qu’il existe entre ces statues et le narrateur <strong>de</strong>s<br />

liens particuliers. Elles sont susceptibles d’intervenir <strong>dans</strong> la vie du narrateur :<br />

Je <strong>de</strong>vais découvrir plus tard celles qui ont eu sur mon existence plus d’influence peut-être que<br />

bien <strong>de</strong>s vivants (…). D’autres m’inquiétèrent d’abord par leur réserve pleine <strong>de</strong> mystère, puis<br />

s’humanisèrent – je ne peux trouver d’autre mot – jusqu’à pénétrer <strong>dans</strong> ma vie la plus profon<strong>de</strong><br />

tandis que <strong>de</strong>s liens indéfinissables m’attachaient à elles <strong>de</strong> plus en plus fort. (CO, 50)<br />

Poursuivant sa promena<strong>de</strong>, le narrateur se trouve face à une autre statue d’homme<br />

assis, située à la lisière entre l’animé et l’inanimé. Dès lors apparaissent toute une série <strong>de</strong><br />

tournures modalisantes : « (…) il me semblait secoué par une sorte <strong>de</strong> véhémence que le<br />

sculpteur avait exprimée <strong>dans</strong> un balancement <strong>de</strong>s masses qu’on eût dit en équilibre<br />

instable, si bien que le personnage inconnu semblait se lever à <strong>de</strong>mi <strong>de</strong> son siège (…) »<br />

(CO, 53). On en est encore au sta<strong>de</strong> <strong>de</strong>s impressions. Au fil du roman, la frontière se<br />

brouille davantage. <strong>Le</strong>s statues, comme les pavillons et les arbres, sont atteintes par<br />

l’atmosphère <strong>de</strong>s événements qui se déroulent <strong>dans</strong> le parc Elles sont capables <strong>de</strong> se<br />

souvenir <strong>de</strong> « la mélancolie, <strong>de</strong> l’amour ou du désespoir » et endossent le rôle <strong>de</strong> témoins

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