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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

bascule, <strong>dans</strong> L’Enchanteur, Château d’ombres, La Ville <strong>de</strong> sable, ou encore La Rose <strong>de</strong><br />

cire. <strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> prend une plus gran<strong>de</strong> vigueur <strong>dans</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes<br />

lorsque la nuit impose sans retenue ses conditions.<br />

Au début <strong>de</strong> L’Enchanteur, les changements d’éclairage se succè<strong>de</strong>nt. <strong>Le</strong><br />

narrateur arrive <strong>dans</strong> la ville à la fin <strong>de</strong> la journée, et durant l’ « arrière-été » (E, 16). <strong>Le</strong>s<br />

rues <strong>dans</strong> lesquelles il s’enfonce sont « mi-parties <strong>de</strong> lumière violente et d’épaisse<br />

obscurité » (E, 11). D’autres rues sont « pareilles à d’étroits couloirs <strong>de</strong> mines ». Arrivé à<br />

l’hôtel, le narrateur perçoit <strong>de</strong>s voix chuchotantes au moment où il glisse <strong>dans</strong> le sommeil.<br />

<strong>Le</strong> len<strong>de</strong>main, un changement <strong>de</strong> luminosité, le retour du soleil bien installé « <strong>dans</strong> son<br />

capitonnage <strong>de</strong> nuages gris » (E, 16) a pour conséquence un changement d’attitu<strong>de</strong> : le<br />

personnage effectue <strong>de</strong>s tâches habituelles : toilette, écriture <strong>de</strong> lettres. La nuit suivante,<br />

plus intense que la précé<strong>de</strong>nte, le plonge <strong>dans</strong> un univers qui a gagné en compacité : « <strong>Le</strong><br />

silence <strong>de</strong> la chambre était lourd et noir comme celui <strong>de</strong>s grottes » (E, 18). <strong>Le</strong> narrateur<br />

laisse « les ténèbres s’appesantir » autour du fauteuil où il s’assoupit. À la faveur <strong>de</strong> la<br />

nuit, le <strong>fantastique</strong> sonore dispose <strong>de</strong> conditions idéales pour se déployer. La nuit va<br />

s’épaississant : « La nuit montait vers sa plus haute cime <strong>de</strong> brouillard et <strong>de</strong> froid ». <strong>Le</strong><br />

silence <strong>de</strong>vient « maléfique et méchant ». La nuit permet alors la manifestation d’une autre<br />

lumière qui joue un rôle comparable à celui d’un intervenant : « Ce fut la lumière, je crois,<br />

qui vint m’avertir la première <strong>dans</strong> cette eau morte <strong>de</strong>s songes où je <strong>de</strong>scendais » (E, 19).<br />

<strong>Le</strong> même phénomène se produit <strong>dans</strong> La Ville <strong>de</strong> sable où l’entrée <strong>dans</strong> la nuit du<br />

désert signifie l’abandon pour l’archéologue scientifique <strong>de</strong>s certitu<strong>de</strong>s du jour. Alors que<br />

les étoiles scintillent au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la cour d’un caravansérail, la nuit se charge « <strong>de</strong><br />

sommeil, <strong>de</strong> contes, <strong>de</strong> fantaisies et d’illusions » (VS, 8). Là aussi, la nuit s’accompagne <strong>de</strong><br />

sortilèges sonores : « Accoudé sur un ballot <strong>de</strong> fourrures, j’écoutais le conteur » (VS, 9). La<br />

frontière du réel et du rêve <strong>de</strong>vient imprécise, et le mon<strong>de</strong> révèle ses potentialités<br />

<strong>fantastique</strong>s. L’arrivée du len<strong>de</strong>main installe une lumière différente, et le narrateur<br />

re<strong>de</strong>vient l’homme rationnel, l’explorateur méthodique <strong>de</strong>s grottes. <strong>Le</strong> retour <strong>de</strong> la nuit<br />

permet une résurgence du <strong>fantastique</strong> : « Je ne pus me rendormir, cependant, car toutes<br />

sortes <strong>de</strong> pensées <strong>fantastique</strong>s m’agitaient » (VS, 13).<br />

La nuit fournit un décor. En elle se manifestent <strong>de</strong>s puissances mystérieuses, et<br />

c’est le lieu où toutes les métamorphoses sont possibles. La sixième partie <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la<br />

Tour <strong>de</strong>s Âmes est un <strong>de</strong>s plus fascinants nocturnes écrits par <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>. Il s’agit du<br />

moment où les passagers du burchiello, au terme d’une lente et longue navigation,<br />

parviennent à <strong>de</strong>stination. <strong>Le</strong> voyage en bateau commence « <strong>de</strong> bon matin », « <strong>dans</strong> une<br />

fine grisaille d’automne que le soleil n’animait pas encore » (FTA, 23). Il dure une journée,

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