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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

que j’y verrais. J’imaginai d’abord, bien sûr, la belle et confortable écurie où je mènerais mon<br />

Lipizza se reposer et souper. (CPI, 76-77)<br />

Selon Grévisse, le conditionnel « exprime un fait éventuel ou irréel dont la<br />

réalisation est regardée comme la conséquence d’un fait supposé, d’une condition ». Il<br />

marque « un fait irréel <strong>dans</strong> le présent ou <strong>dans</strong> le passé » 473 .<br />

<strong>Le</strong> verbe « j’imaginai » nous fait accé<strong>de</strong>r à un autre niveau du labyrinthe <strong>de</strong>s<br />

souvenirs. Il s’agit <strong>de</strong> la mémoire <strong>de</strong> ce qui a été rêvé. <strong>Le</strong> roman est tout entier, comme<br />

c’est le cas aussi pour <strong>Le</strong> Journal du visiteur, jalonné d’allusions à l’imaginaire 474 , et nous<br />

conduit à la toute <strong>de</strong>rnière phrase où règne le doute <strong>fantastique</strong>, et où les temps se mêlent<br />

encore : « Je le vois comme on regar<strong>de</strong> en rêve, et peut-être, en définitive, l’ai-je imaginé »<br />

(CPI, 274).<br />

Cet emploi du système temporel se poursuit <strong>dans</strong> d’autres séquences où sont<br />

relatés d’autres souvenirs, et apparaît aussi <strong>dans</strong> les récits <strong>de</strong> rêves, désignés par le<br />

narrateur comme « magiciens <strong>de</strong> la mémoire » (CPI, 186). <strong>Le</strong>s rêves eux aussi composent<br />

<strong>dans</strong> l’univers <strong>romanesque</strong> <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> un véritable labyrinthe, sur lequel nous<br />

reviendrons.<br />

<strong>Le</strong>s récits d’Ilse permettent aussi la résurgence <strong>de</strong> souvenirs littéraires. <strong>Le</strong><br />

narrateur retrouve l’enthousiasme éprouvé lors <strong>de</strong> la lecture du poème <strong>de</strong> Heinrich<br />

Heine cité au début du roman et joue le rôle <strong>de</strong> parole magique ouvrant gran<strong>de</strong>s les portes<br />

<strong>de</strong> l’imaginaire, poème cité en allemand, <strong>de</strong> manière à mettre en valeur son côté<br />

incantatoire ; « Ich bin die Prinzessin Ilse und wohne in Ilsenstein… » 475 (CPI, 24). De<br />

nombreux récits sont évoqués, en particulier au chapitre <strong>de</strong>ux, qui mettent en scène <strong>de</strong>s<br />

châteaux <strong>de</strong> l’imaginaire : la « Matière <strong>de</strong> Bretagne », les « contes <strong>de</strong> fées », les « romans<br />

<strong>de</strong> la Table ron<strong>de</strong> », les mythes du Minotaure, <strong>de</strong> Siegfried et <strong>de</strong> saint Georges. Ces récits<br />

divers forment, <strong>dans</strong> les territoires <strong>de</strong> la mémoire, un véritable entrelacs :<br />

Enfant, les enthousiasmes que me procuraient les contes <strong>de</strong> fées ont précédé sans transition les<br />

enthousiasmes que me versaient les romans <strong>de</strong> la Table ron<strong>de</strong> : Brocélian<strong>de</strong> n’a été que le<br />

prolongement <strong>de</strong>s forêts où se per<strong>de</strong>nt Hänsel et Gretel et les frères du Petit Poucet. Montsalvat<br />

était aussi ténébreux et aussi réel que le château <strong>de</strong> la Belle au bois dormant, et chaque buisson<br />

473 Maurice Grévisse, <strong>Le</strong> bon usage, Paris, Duculot, 1980, p.847.<br />

474 Quelques exemples : « J’imagine que, la nuit venant, le grand château se vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses occupants », (CPI,<br />

33) ; « Pour mon imagination il n’y avait jamais assez <strong>de</strong> ponts enchantés, <strong>de</strong> donjons ténébreux, <strong>de</strong><br />

« douloureuse gar<strong>de</strong> », et, surtout, <strong>de</strong> forêts magiques, <strong>de</strong> ces merveilleuses forêts où l’on ne peut que se<br />

perdre, et où, inévitablement, se perdre c’est se trouver », (CPI, 39) ; « Mes château à moi, les châteauxjouets<br />

<strong>de</strong> mon enfance, les châteaux aux tourelles <strong>de</strong> nuit <strong>de</strong> mes rêves, se sont <strong>de</strong>ssinés sur les paysages<br />

divers <strong>de</strong> mon imagination d’après l’insistance que je mettais à les construire, si j’en étais le bâtisseur, ou à<br />

les conquérir s’ils se présentaient du <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> mon désir et à mon ambition », (CPI, 82), etc.<br />

475 « Je suis la princesse Ilse, et j’habite à Ilsenstein… »

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