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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong> roman offre une succession <strong>de</strong> vestibules <strong>dans</strong> lesquels le lecteur doit entrer,<br />

qui trouvent leur représentation symbolique <strong>dans</strong> la figure <strong>de</strong> la marelle 510 . Il est fait<br />

plusieurs fois allusion à ce jeu <strong>dans</strong> le roman. Il est évoqué une première fois alors que les<br />

voyageurs découvrent la ville fantôme et qu’ils voient <strong>de</strong>s enfants qui, « sautant à clochepied<br />

franchissent les cases <strong>de</strong> la marelle, <strong>dans</strong> la rue, <strong>de</strong>vant la maison, poussant un vieux<br />

tesson <strong>de</strong> poterie » (NATM, 29). La marelle est à nouveau mise en scène <strong>dans</strong> un rêve<br />

raconté par le narrateur. À la fin du roman, <strong>dans</strong> un autre rêve raconté par Graham, le jeu<br />

prend la forme <strong>de</strong> la marelle-escargot qui représente le <strong>de</strong>ssin et le mouvement spiralé <strong>de</strong><br />

ce qu’a été l’ensemble du voyage. D’autres représentations symboliques font écho à ce<br />

motif, en particulier l’échiquier, et l’échelle grimpant « aux étages <strong>de</strong>s dieux ». Dans le<br />

roman, le lecteur passe d’une case <strong>de</strong> la marelle à une autre, et l’histoire semble ne pas<br />

avoir <strong>de</strong> fin. Aux déserts succè<strong>de</strong>nt d’autres déserts, aux montagnes d’autres montagnes.<br />

<strong>Le</strong> récit emmène le lecteur le long d’un labyrinthe infini. <strong>Le</strong> jeu <strong>de</strong> la marelle est très<br />

proche du labyrinthe. Il comporte l’idée d’une progression vers le Paradis perdu, une<br />

ascension vers l’au-<strong>de</strong>là. Au cours <strong>de</strong> cette progression a lieu le dévoilement successif <strong>de</strong>s<br />

mystères sur la voie <strong>de</strong> la connaissance. <strong>Le</strong> joueur doit franchir <strong>de</strong>s étapes successives, à<br />

cloche-pied, avant <strong>de</strong> retomber sur ses <strong>de</strong>ux pieds. Il est d’abord boiteux, c'est-à-dire lié<br />

aux forces diaboliques, avant <strong>de</strong> pouvoir accé<strong>de</strong>r au ciel. En d’autres termes, l’initiable doit<br />

réapprendre à marcher pour accomplir et réussir son voyage initiatique. La forme <strong>de</strong> la<br />

marelle-escargot en fait une spirale qui évoque l’idée d’une progression infinie. <strong>Le</strong> lecteur<br />

passe d’une case narrative à une autre, la première étant la citation d’Arthur Symons à<br />

propos <strong>de</strong> Nerval, puis vient celle <strong>de</strong> Höl<strong>de</strong>rlin, puis l’avant-propos, l’ouverture du premier<br />

chapitre, etc. <strong>Le</strong>s séquences correspon<strong>de</strong>nt ensuite à une progression <strong>dans</strong> l’espace, <strong>dans</strong> le<br />

temps <strong>de</strong>s souvenirs, celui <strong>de</strong>s rêves, l’espace et le temps imaginaire, et les séquences<br />

s’interpénètrent, comme si le roman était une vaste maison <strong>fantastique</strong>. Un narrateur<br />

principal conduit le récit, mais il cè<strong>de</strong> la place à tel ou tel <strong>de</strong> ses compagnons et à un<br />

narrateur extérieur, ce qui permet <strong>de</strong> faire varier, à <strong>de</strong> multiples reprises, les cadrages.<br />

Dans le <strong>de</strong>rnier roman, <strong>Le</strong>s Vaines Montagnes, écrit en 1983-84 et qui <strong>de</strong>meure<br />

inachevé, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> réutilise la construction en chapitres. Pourtant il s’agit d’un livre à<br />

part. C’est, dit Xavier Tilliette, un « récit admirable, d’une facture neuve » où se mêlent<br />

<strong>de</strong>s « confi<strong>de</strong>nces à <strong>de</strong>mi voilées » <strong>de</strong> l’enfance <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, et « les émois et les<br />

510 Signalons au passage que le thème <strong>de</strong> la marelle fait partie <strong>de</strong> la littérature <strong>fantastique</strong>, ainsi que le<br />

rappelle André Peyronie <strong>dans</strong> Dictionnaire <strong>de</strong>s mythes littéraires, op. cit., p.947. « Dans Rayuela/Marelle <strong>de</strong><br />

J. Cortazar (1963), à l’exploration du labyrinthe <strong>de</strong> Paris puis <strong>de</strong> Buenos Aires, se superpose la tentative <strong>de</strong><br />

métamorphoser <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux villes en une marelle unique, voire <strong>de</strong> jeu, itinéraire <strong>de</strong> la terre au ciel, espace du<br />

livre »

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