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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

(RC, 228). Il pourrait avoir envie <strong>de</strong> s’en éloigner, <strong>de</strong> les éviter. Au contraire, il est<br />

volontiers explorateur du nocturne et affirme son amour <strong>de</strong> la nuit : « J’aime la nuit. D’un<br />

amour passionné, toujours égal à lui-même. Nuit chère. Nuit adorable. Mère <strong>de</strong>s plus hauts<br />

enchantements. Et le ciel, cet immense présentoir <strong>de</strong> joaillier, gainé <strong>de</strong> velours noir, chargé<br />

<strong>de</strong>s plus beaux diamants du mon<strong>de</strong> » (VH, 51). Ces phrases rappellent Höl<strong>de</strong>rlin, fasciné<br />

par la « Merveilleuse avec son cortège au complet d’étoiles ». <strong>Le</strong> personnage principal est<br />

familier <strong>de</strong> la nuit, ouvert aux métamorphoses qu’elle est susceptible <strong>de</strong> proposer,<br />

conscient <strong>de</strong> son potentiel : « La nuit, extraordinairement claire, paraît chargée <strong>de</strong><br />

possibilités <strong>fantastique</strong>s et miraculeuses. Je me rappelle un étonnant proverbe musulman :<br />

« <strong>Le</strong>s nuits sont enceintes <strong>de</strong>s jours » (VS, 18). Cette passion <strong>de</strong> la nuit, nous rappelle<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> toute son œuvre critique, appartient pour une large part à la littérature<br />

alleman<strong>de</strong>, à Hoffmann, Contessa, Bonaventura, Novalis, Jean-Paul, Eichendorff, Brentano<br />

qui célèbrent chacun à leur manière les louanges <strong>de</strong> la nuit. Nerval, Lautréamont et les<br />

surréalistes leur emboîtent le pas. Elle se poursuit chez ceux qui, plus tard, réactivent en<br />

France les voix romantiques : <strong>Marcel</strong> Schnei<strong>de</strong>r, Armel Guerne ou encore Philippe<br />

Jaccottet, persuadés tout comme Rilke que « les nuits ne sont pas faites pour tout le<br />

mon<strong>de</strong> » (VM, 224). La nuit est très liée au <strong>fantastique</strong> parce qu’elle signifie solitu<strong>de</strong>,<br />

abandon du jour et <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s du jour, entrée <strong>dans</strong> un autre espace et un autre temps.<br />

Pour <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, la nuit est un <strong>de</strong>s habitats du labyrinthe. À partir du moment où le<br />

héros entre <strong>dans</strong> les « labyrinthes <strong>de</strong>s nuits » (CPI, 71) il accomplit quelque chose qui est<br />

<strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> l’expérience <strong>fantastique</strong>.<br />

La nuit, très rapi<strong>de</strong>ment, prend plus d’importance que le jour pour le narrateur <strong>de</strong><br />

L’Enchanteur. C’est pendant la nuit qu’il entend les voix mystérieuses convoquées par<br />

Merlin <strong>dans</strong> la chambre d’à côté. La nuit permet, concrètement et symboliquement,<br />

l’abolition <strong>de</strong>s cloisons. Elle possè<strong>de</strong> « son cortège d’enfants railleurs et <strong>de</strong> musiciens »,<br />

alors que le jour, le soleil cerne « toutes choses <strong>de</strong> simple et claire évi<strong>de</strong>nce » (E, 16).<br />

Durant le jour, il s’en va à la dérive et attend <strong>dans</strong> un certain désoeuvrement que la fin du<br />

jour revienne enfin.<br />

<strong>Le</strong> héros <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, en particulier <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Vaines Montagnes et <strong>Le</strong><br />

Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, remet en cause le statut ordinaire <strong>de</strong> la nuit :<br />

Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quelquefois pourquoi la nuit est associée à la notion <strong>de</strong> chute : la tombée <strong>de</strong> la<br />

nuit, la nuit <strong>de</strong>scend…, <strong>dans</strong> le langage ordinaire. À moi, il me semble toujours, au contraire, que<br />

la nuit, qui a repris sa force et son intensité <strong>dans</strong> les régions souterraines, monte <strong>de</strong> la terre. Je sens<br />

avec quel effort, et en même temps, avec quelle légèreté, elle traverse les couches <strong>de</strong> la terre sous<br />

lesquelles elle a dormi pendant le jour. Comme un souffle capable <strong>de</strong> disjoindre la <strong>de</strong>nse et ru<strong>de</strong>

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