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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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C. L’ŒUVRE D’ART COMME SCÈNE FANTASTIQUE.<br />

1. Jeux <strong>de</strong> miroir.<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong> thème <strong>de</strong> l’œuvre d’art comme scène <strong>fantastique</strong> est à rapprocher <strong>de</strong> celui du<br />

franchissement du miroir qui, <strong>de</strong>puis Hoffmann jusqu’à Jean Cocteau, a inspiré bien <strong>de</strong>s<br />

récits <strong>fantastique</strong>s. Nous franchissons la surface réfléchissante, ou la surface peinte, ou<br />

l’espace soudain révélé par un objet, tapis ou bas-relief, et nous entrons <strong>dans</strong> un univers<br />

considéré normalement comme sans profon<strong>de</strong>ur ni existence. Derrière ces barrières<br />

<strong>de</strong>venues soudain fragiles s’ouvre un ailleurs. <strong>Le</strong> mouvement peut se faire <strong>dans</strong> <strong>de</strong>ux<br />

directions : <strong>Le</strong>s personnages qui font partie du mon<strong>de</strong> donné comme réel s’introduisent<br />

<strong>dans</strong> le miroir ou le mon<strong>de</strong> représenté. Ou alors, ce sont les personnages représentés qui<br />

viennent fréquenter le mon<strong>de</strong> réel.<br />

<strong>Le</strong> miroir ne laisse rien <strong>de</strong>viner <strong>de</strong> ce qu’il dissimule. Il est donc susceptible <strong>de</strong><br />

révéler un univers caché. C’est là par excellence un thème qui appartient à l’esthétique<br />

baroque. Il y a <strong>dans</strong> les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> beaucoup <strong>de</strong> miroirs, par exemple <strong>dans</strong><br />

L’Ombre d’un arbre mort, La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes, <strong>Le</strong>s Vaines Montagnes, associés<br />

aux motifs <strong>de</strong> la musique, du salon ou <strong>de</strong> l’intérieur hollandais. Ainsi Florian, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s<br />

Vaines Montagnes, se souvient d’une gran<strong>de</strong> maison <strong>dans</strong> laquelle il a habité, et où se<br />

trouvaient <strong>de</strong>s pièces abondamment pourvues <strong>de</strong> miroirs, un cabinet hollandais, un « salon<br />

<strong>de</strong> musique décoré <strong>dans</strong> la manière d’un Baroque délicieusement extravagant (…) » (VM,<br />

72). Très tôt, Florian a « avec impru<strong>de</strong>nce, associé la ténacité insolente <strong>de</strong>s échos et la<br />

toujours énigmatique servilité <strong>de</strong>s miroirs » (VM, 71). <strong>Le</strong> terme <strong>de</strong> « servilité » est<br />

intéressant : il caractérise un comportement, et crée donc un effet <strong>de</strong> personnification.<br />

C’est le comportement <strong>de</strong> quelqu’un qui se soumet à un pouvoir. Mais <strong>dans</strong> cette<br />

soumission peut se glisser une certaine hypocrisie, une certaine bassesse, qui peut<br />

conduire, tôt ou tard, à une réaction d’indépendance. Florian se méfie <strong>de</strong>s miroirs. Ils ont la<br />

possibilité <strong>de</strong> capter le reflet d’un être vivant, et offrent <strong>de</strong>s « Perspectives menteuses,<br />

déroutantes, où l’on craint et désire en même temps, se perdre, <strong>dans</strong> le genre <strong>de</strong>s<br />

perspectives peintes par Samuel Van Hoogstraten » (VM, 72). Cette allusion à un peintre<br />

hollandais du XVII e siècle est révélatrice 629 . Ce peintre a beaucoup représenté <strong>de</strong>s<br />

629 Samuel Van Hoogstraten (1627-1678) a été peintre et historien <strong>de</strong> l’art, préoccupé <strong>de</strong> questions d’optique.<br />

Dans certaines œuvres du XVII e siècle hollandais, chez Hoogstraten, Pieter <strong>de</strong> Hooch ou Rembrandt, peintres<br />

auxquels <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> s’est beaucoup intéressé, on a une ouverture sur un espace et un temps autres.

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