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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

guerre, il s’installe à Paris, et est confronté à la difficulté <strong>de</strong> la reprise d’une vie<br />

intellectuelle 215 . Comme ont pu le faire <strong>de</strong>s écrivains tels que Henri Bosco, Hermann<br />

Broch ou Walter Benjamin, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> a longuement songé à la parole <strong>de</strong> Joyce :<br />

« L’Histoire est un cauchemar dont je cherche à m’éveiller ».<br />

Cette génération, ajoute Henri Godard, est aussi celle d’hommes qui <strong>dans</strong> leur âge<br />

mûr ont été confrontés à un choix politique auquel nul ne pouvait échapper. Un bon<br />

nombre d’écrivains portent en eux le souci <strong>de</strong> dénoncer cette société qui a permis et<br />

produit la guerre. Beaucoup d’entre eux délaissent quelque peu le roman pour <strong>de</strong>s écrits <strong>de</strong><br />

combat. À un autre niveau, ces enfants <strong>de</strong> la guerre sont dépouillés <strong>de</strong>s croyances qui ont<br />

fondé quatre siècles d’optimisme philosophique en Occi<strong>de</strong>nt. Il faut prendre en compte<br />

désormais l’idée que la science <strong>de</strong>meure ambivalente, que la nature humaine n’est pas<br />

forcément fondamentalement bonne, que l’Histoire humaine ne suit pas forcément une<br />

ligne ascendante vers le progrès. En 1918 paraît <strong>de</strong>r Untergang <strong>de</strong>s Abendlan<strong>de</strong>s (<strong>Le</strong><br />

Déclin <strong>de</strong> l’Occi<strong>de</strong>nt) d’Oswald Spengler qui met en avant l’idée d’une civilisation<br />

faustienne et présente une philosophie <strong>de</strong> l’Histoire. L’homme faustien est présenté comme<br />

le type <strong>de</strong> l’homme occi<strong>de</strong>ntal <strong>de</strong>puis le Moyen-âge, orienté vers l’action, la technique et la<br />

conquête. Sa force et sa gran<strong>de</strong>ur lui viennent <strong>de</strong> sa passion <strong>de</strong> l’infini et <strong>de</strong> sa volonté <strong>de</strong><br />

puissance. La génération <strong>de</strong> 1940-1950 voit <strong>dans</strong> la catastrophe alleman<strong>de</strong> et la bombe<br />

atomique <strong>de</strong>ux signes manifestes qui montrent que l’enthousiasme faustien pour la science<br />

et la puissance cache toujours une tentation diabolique. Faust montre que l’homme n’écarte<br />

pas si facilement <strong>de</strong> son existence le mal ou l’erreur. <strong>Le</strong> pacte diabolique gar<strong>de</strong> tout son<br />

sens <strong>dans</strong> la mesure où l’Allemagne a consenti au « pacte avec le démon » 216 .<br />

Face à la célèbre parole <strong>de</strong> Paul Valéry, « Nous autre civilisations, nous savons<br />

maintenant que nous sommes mortelles », <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> affine sa vision <strong>de</strong> l’Histoire. Il<br />

publie en particulier Charles le Téméraire (en 1947). Ce qui le fascine, c’est cette<br />

possibilité <strong>de</strong> « bâtir un pont entre la latinité et le mon<strong>de</strong> germanique ». Sur le plan<br />

historique, il s’intéresse aux gran<strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transition, c'est-à-dire aux époques du<br />

passage d’une civilisation à l’autre, à la charnière Moyen-âge/Renaissance, XVIII e /XIX e<br />

siècle, à la gran<strong>de</strong> rupture du XX e siècle. Ce sont <strong>de</strong>s époques qui souffrent d’une<br />

inquiétu<strong>de</strong>, durant lesquelles <strong>de</strong> nouvelles manières <strong>de</strong> sentir et <strong>de</strong> penser se dégagent <strong>de</strong>s<br />

215 Pour d’autres précisions biographiques, le lecteur pourra se référer à <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> humaniste et passeur,<br />

op. cit., p.245 à 250.<br />

216 L’expression, révélatrice, est employée par <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s labyrinthes du temps, op. cit., p.125. (À<br />

propos du Docteur Faustus <strong>de</strong> Thomas Mann).

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