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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> est très proche <strong>de</strong> ses héros qui souvent ne donnent pas leur nom,<br />

circulent d’un roman à l’autre et se refusent à « <strong>fantastique</strong>r ». <strong>Le</strong>s narrateurs sont-ils<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> lui-même, ou <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> et un autre en même temps ? Nous ne saurions<br />

répondre à cette question tant le texte reste <strong>dans</strong> l’ambiguïté. Peut-être <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong><br />

s’avance-t-il masqué, ainsi que le sous-entend René Huyghe : « (…) les masques jouent un<br />

grand rôle <strong>dans</strong> votre œuvre – et <strong>dans</strong> la vie. Venise vous en a donné l’exemple. Il y a ceux<br />

que votre réputation, telle qu’elle s’est établie, vous inflige. Il y a ceux que vous choisissez<br />

pour votre propre délectation et pour le plaisir <strong>de</strong> vous transformer » 698 . <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, qui<br />

n’a jamais écrit d’autobiographie, cultive cette ambiguïté :<br />

On est plus vrai, je crois, lorsqu’on reporte, sur un personnage <strong>de</strong> roman, <strong>de</strong>s éléments qui<br />

relèvent <strong>de</strong> la confession, parce que, envers lui, on reste toujours plus ou moins objectif.<br />

Il y a donc, <strong>dans</strong> vos romans, <strong>de</strong>s éléments autobiographiques ?<br />

Naturellement : comme <strong>dans</strong> tous les romans. Vous savez lesquels, puisque vous êtes moi, mais<br />

vous savez aussi quelle part <strong>de</strong> création, d’élaboration, transforme l’éprouvé et le vécu, le porte à<br />

un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> vérité supérieure, à une sorte <strong>de</strong> sur-réalité. 699<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> se révèle plus, pense-t-il, <strong>dans</strong> une œuvre <strong>de</strong> fiction que <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s<br />

confi<strong>de</strong>nces personnelles.<br />

<strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> se construit autour <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong>s narrateurs qui possè<strong>de</strong>nt<br />

un pied <strong>dans</strong> le réel, un pied <strong>dans</strong> l’irréel. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> présente un héros qui paraît très<br />

attaché à la réalité, a le souci <strong>de</strong> transcrire, se veut fidèle, affirme faire une expérience,<br />

subir ce qui lui arrive. Au départ, il se trouve <strong>dans</strong> un mon<strong>de</strong> qui ressemble au nôtre. Mais<br />

dès les premières lignes du roman, nous glissons <strong>dans</strong> une autre perception du réel. <strong>Le</strong><br />

<strong>fantastique</strong> est lié à cette expérience.<br />

Dans les romans, les <strong>de</strong>stinations <strong>de</strong>s voyages sont très diverses, ce qui veut dire<br />

que le <strong>fantastique</strong> est susceptible <strong>de</strong> se développer partout. Cela correspond à une<br />

originalité. Traditionnellement, les récits du XIX e siècle utilisent volontiers un effet <strong>de</strong><br />

dépaysement. <strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> se nourrit d’exotisme, <strong>de</strong> découvertes, d’explorations<br />

géographiques, <strong>de</strong> recherches archéologiques. À cette époque, le mon<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntal est<br />

encore <strong>dans</strong> l’ivresse <strong>de</strong> son expansion. Au XX e siècle, la situation est différente et ce<br />

ressort du <strong>fantastique</strong> est moins utilisé. <strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> s’intéresse davantage à la proximité,<br />

aux espaces plus proches. « On ne sait jamais (…) ce qu’on a en réserve <strong>dans</strong> sa propre<br />

maison », écrit Kafka 700 . <strong>Le</strong>s lieux, même familiers sont mal connus, et le <strong>fantastique</strong> est<br />

d’autant plus redoutable. <strong>Le</strong>s récits continuent d’utiliser les lieux traditionnels, mais <strong>de</strong><br />

698 René Huyghe, Discours <strong>de</strong> réception, op. cit., p.59.<br />

699 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, « Un entretien avec moi-même », Mémoires d’une vie incertaine, op. cit., p.2.<br />

700 Kafka, Un artiste <strong>de</strong> la faim et autres récits, op. cit., p.111.

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