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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Ilse était ce que l’on pourrait appeler une enfant trouvée, mais une enfant trouvée a d’abord été<br />

une enfant perdue et si c’est l’hôte <strong>de</strong> Calice d’Or – l’auberge où je loge à Saint-Géréon – qui l’a<br />

découverte un matin d’été alors qu’il allait pêcher <strong>de</strong> très bonne heure – emmaillotée et déposée<br />

sur le banc <strong>de</strong> l’embarcadère, personne ne sait, ni ne peut savoir qui l’a perdue. (CPI, 11)<br />

D’autres parenthèses suivront <strong>dans</strong> le texte et, <strong>de</strong> même que s’établit une « sorte<br />

d’intimité » entre le narrateur et le lecteur, <strong>de</strong> même une relation particulière s’établit entre<br />

le narrateur et Ilse. <strong>Le</strong> lecteur participe au développement <strong>de</strong> cette relation privilégiée.<br />

Ces clins d’œil sont parfois plein d’humour. Alors que certains épiso<strong>de</strong>s sont<br />

dramatiques, un petit coup <strong>de</strong> cou<strong>de</strong> amical est donné au lecteur, par exemple <strong>dans</strong> Nous<br />

avons traversé la montagne. Petersen, ravi par une mystérieuse cavalière issue du désert,<br />

abandonne ses compagnons et s’apprête à disparaître et à se perdre <strong>dans</strong> les territoires <strong>de</strong><br />

l’invisible. Au moment où il rejoint la redoutable cavalière, le narrateur change <strong>de</strong> ton et<br />

glisse : « On eût dit <strong>de</strong>ux amants se rencontrant pour un canter matinal <strong>dans</strong> Hy<strong>de</strong> Park »<br />

(NATM, 115-116). Ou encore <strong>dans</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes : « On sait que les spectres<br />

sont minces au point <strong>de</strong> passer sous une porte (et l’on dit alors : tiens, encore un drôle <strong>de</strong><br />

courant d’air !) » (FTA, 232-233).<br />

Un autre type <strong>de</strong> narrateur produit un effet <strong>de</strong> réel : le narrateur-témoin qui prend<br />

momentanément la place du narrateur premier. Celui-ci recueille les témoignages qui lui<br />

sont offerts et sont incorporés <strong>dans</strong> le récit. <strong>Le</strong>s narrateurs <strong>de</strong> La Folie Céladon, du<br />

Journal du visiteur, <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes sont à leur manière <strong>de</strong>s enquêteurs et<br />

recueillent <strong>de</strong>s faits rapportés. La technique du narrateur-témoin présente <strong>de</strong>s avantages : il<br />

s’agit d’avérer un référentiel, et <strong>de</strong> mettre en place <strong>de</strong>s discours complémentaires,<br />

d’authentifier <strong>de</strong>s événements. Dans La Folie Céladon, le narrateur recueille les<br />

témoignages <strong>de</strong> Schwarz, le maître d’hôtel, puis <strong>de</strong> Carsten qui livre à son tour celui d’un<br />

<strong>de</strong>s personnages du roman : Bernhorst. Chaque témoignage permet d’aller plus<br />

profondément vers la compréhension du drame. <strong>Le</strong> discours s’appuie sur un ensemble <strong>de</strong><br />

faits avérés, avant que le narrateur premier ne re<strong>de</strong>vienne lui-même le spectateur privilégié<br />

du drame.<br />

Dans la mesure où il recueille <strong>de</strong>s témoignages, il fait œuvre <strong>de</strong> captation et<br />

s’éloigne du projet d’écriture du roman. <strong>Le</strong> narrateur <strong>de</strong> Villa <strong>de</strong>s hasards dit : « Je ne suis<br />

pas acteur. Écrivain. J’écris <strong>de</strong>s romans », Adalbert von A. abandonne le projet d’écriture<br />

d’un roman qui lui échappe, le narrateur du Journal du visiteur retrouve parfois « la piste<br />

du roman » qui l’occupe et « dont les personnages évasifs » viennent lui raconter « leurs<br />

aventures » (JV, 63). En racontant son histoire il ne fait par conséquent pas œuvre <strong>de</strong><br />

romancier ! Il fait la distinction entre le roman qu’il n’écrit plus et le récit qui s’impose et

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