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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

frissonner (…) » (NATM, 88). Puis tout à coup le <strong>de</strong>scripteur <strong>de</strong>vient extérieur, et prend <strong>de</strong><br />

la hauteur : « Vu <strong>de</strong> très haut, ainsi que peuvent regar<strong>de</strong>r les Dieux, le lac ressemblait à une<br />

bouche méticuleusement ron<strong>de</strong>, ourlée <strong>de</strong> mâchoires <strong>de</strong>ntées et fumantes dont chaque<br />

chicot était un cratère » (NATM, 89-90).<br />

<strong>Le</strong> thème du théâtre <strong>de</strong>vient <strong>fantastique</strong> dès lors qu’il existe <strong>de</strong>s metteurs en scène<br />

extérieurs inconnus. Il n’existe pas seulement <strong>de</strong>s spectateurs qui observent la scène et ses<br />

éventuelles coulisses. La scène est organisée par une instance dont il est possible <strong>de</strong><br />

pressentir la présence. L’existence <strong>de</strong> ce metteur en scène présente l’avantage <strong>de</strong> mettre les<br />

personnages en position <strong>de</strong> passivité, <strong>de</strong> les confronter à une autorité qui les dirige malgré<br />

eux. Nous avons alors un phénomène d’inversion <strong>de</strong> l’espace théâtral. Un metteur en scène<br />

qui appartient au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’invisible prend en charge la <strong>de</strong>stinée du ou <strong>de</strong>s personnages.<br />

Par conséquent, le mon<strong>de</strong> donné comme réel <strong>de</strong>vient mon<strong>de</strong> d’illusion.<br />

Ce metteur en scène est à l’œuvre lorsque les personnages racontent <strong>de</strong>s histoires.<br />

Berg, <strong>dans</strong> Nous avons traversé la montagne, obéit à cette nécessité et assiste, en tant que<br />

conteur, à ses propres récits :<br />

Berg subissait ses histoires comme on subit ses rêves, sans toucher au plan prescrit, à la marche<br />

précise <strong>de</strong> la machine, à <strong>de</strong>s coïnci<strong>de</strong>nces qu’il n’a pas voulues, ni même connues d’avance, et qui<br />

le frappaient d’étonnement à l’instant même où il y assistait ; scénariste inconscient, metteur en<br />

scène sans pouvoir, il était spectateur par excellence, et tous les fils qu’il tirait, un autre les lui<br />

avait mis entre les doigts et en commandait le maniement. (NATM, 195)<br />

Qui est cet « autre » ? <strong>Le</strong> lecteur remarque l’utilisation importante <strong>de</strong> l’indéfini,<br />

en particulier <strong>de</strong> l’article « un ». Une volonté extérieure se manifeste aussi <strong>dans</strong> le rêve. On<br />

remarquera alors que l’indéfini est suivi d’un possessif : « Tout ce qui est volonté et action<br />

<strong>dans</strong> mes rêves vient d’un autre que moi : auteur, metteur en scène, acteurs, préparent leur<br />

spectacle très loin <strong>de</strong> moi, à mon insu, et rien ne m’avertit <strong>de</strong> leurs travaux jusqu’à l’instant<br />

même <strong>de</strong> la représentation » (NATM, 171). <strong>Le</strong> mot rêve est mis en position <strong>de</strong> sujet : « Et<br />

c’est <strong>de</strong>vant un tableau noir que m’amène ce rêve » (NATM, 171). <strong>Le</strong> rêveur est placé sous<br />

l’autorité d’un « on » énigmatique : « On me comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> reproduire sur le tableau noir le<br />

contour <strong>de</strong> la marelle (…), m’enjoint-on, (…) », <strong>de</strong> « quelqu’un » qui n’est pas vu, d’une<br />

voix « autoritaire ». L’indéfini laisse la place au démonstratif : « Cette salle d’école du<br />

rêve <strong>de</strong> la marelle-aéroplane, où j’étais seul, au début du rêve, avec l’interrogateur – celui<br />

qui –, je la sentais se remplir d’une foule <strong>de</strong> spectateurs qui raclaient leurs semelles sur les<br />

dalles sonores et parlaient à mi-voix » (NATM, 176). Il existe <strong>de</strong>s conducteurs <strong>de</strong> la<br />

<strong>de</strong>stinée, « instances supérieures », « Mères », « gui<strong>de</strong>s » qui tirent les fils <strong>de</strong> l’existence,<br />

et cela donne l’image d’un univers traversé par <strong>de</strong>s forces inconnues, agissant par surprise :

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