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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

plus loin comme « <strong>de</strong>s gardiennes installées sur le seuil » qui n’appartiennent pas « au<br />

mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s êtres » semblables au narrateur.<br />

<strong>Le</strong> malaise éprouvé <strong>de</strong>meure dès lors que le narrateur rencontre d’autres<br />

personnages <strong>dans</strong> le parc, à nouveau associé à l’idée d’un péril. L’apparition du<br />

surintendant <strong>de</strong>s jardins livre au lecteur un nouvel indice : la tenue vestimentaire qui cette<br />

fois va poser non plus un problème d’espace mais un problème <strong>de</strong> temps :<br />

Son costume, comme celui <strong>de</strong> Marianne, a quelque chose <strong>de</strong> théâtral ; on le dirait sorti d’une<br />

comédie ancienne, mais je ne m’en étonne pas, car il y a <strong>dans</strong> ce pays <strong>de</strong>s régions qui conservent<br />

une pieuse fidélité aux vêtements d’autrefois. Sa veste est beaucoup plus longue qu’on ne les fait<br />

maintenant, et il porte une culotte courte, avec <strong>de</strong>s bas blancs et <strong>de</strong>s souliers à boucles.<br />

L’ensemble n’est pas déplaisant et s’harmonise assez bien avec son air <strong>de</strong> dignité et <strong>de</strong> bonhomie.<br />

(CO, 37)<br />

Une explication rationnelle est proposée. Mais une autre approche est possible,<br />

selon laquelle le personnage appartient à une époque révolue. Ceci tend à être confirmé par<br />

le titre désuet <strong>de</strong> surintendant <strong>de</strong>s jardins. Ainsi désignait-on en effet, au XVIII e siècle,<br />

celui qui était chargé <strong>de</strong> l’entretien <strong>de</strong>s grands parcs. Lors <strong>de</strong> la rencontre d’un autre<br />

personnage, Sir Montagu Brehm, l’accent est mis à nouveau sur la tenue vestimentaire :<br />

« (…) je remarquai que cet homme portait un habit brun, orné <strong>de</strong> boutons brillants. Il tenait<br />

sous son bras un chapeau d’une forme singulière assez semblable à un tricorne » (CO, 56).<br />

Inversement, durant le roman, les âmes en peine trouvent que le narrateur porte <strong>de</strong>s<br />

vêtements tout aussi singuliers. Ainsi la vieille dame rencontrée <strong>dans</strong> un oratoire du parc :<br />

« Elle tournait autour <strong>de</strong> moi, intriguée par mon visage, par la coupe <strong>de</strong> mes cheveux, par<br />

la forme insolite <strong>de</strong> mes vêtements » (CO, 154). L’impression d’éloignement éprouvée dès<br />

le début du roman <strong>de</strong>meure, bien qu’une relation d’amitié se développe avec certains<br />

personnages du parc, en particulier avec le surintendant <strong>de</strong>s jardins, toujours liée à<br />

l’angoisse et à la solitu<strong>de</strong>. Cet éloignement <strong>de</strong>vient saisissant lorsque le narrateur raconte<br />

l’épiso<strong>de</strong> du baiser impossible avec Marianne : « Je croyais même qu’elle me tendait sa<br />

bouche, mais quand je me suis approché, sa bouche s’est éloignée, éloignée encore. Elle se<br />

dérobait, sans que je l’eusse vue faire aucun mouvement, sans que mes mains cessassent <strong>de</strong><br />

tenir ses épaules. Elle fuyait vers <strong>de</strong>s distances inaccessibles » (CO, 145-146).<br />

La nature <strong>de</strong>s êtres rencontrés se précise : « Comment donner son amitié à un être<br />

<strong>de</strong> nuage et <strong>de</strong> brouillard ? » (CO, 145). <strong>Le</strong>ur inscription <strong>dans</strong> une spatialité et une<br />

temporalité différente – « Pour moi, il n’y a plus <strong>de</strong> jours, <strong>de</strong>puis longtemps, plus <strong>de</strong> jours,<br />

et trop <strong>de</strong> jour. » (CO, 155) – confirme leur appartenance à un autre mon<strong>de</strong> qui se<br />

manifeste <strong>dans</strong> ce passage saisissant :

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