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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

l’expérience <strong>de</strong> l’engloutissement. Ce thème <strong>de</strong> la disparition, <strong>de</strong> l’effondrement <strong>dans</strong><br />

l’indéterminé est au cœur <strong>de</strong> romans tels que La Ville <strong>de</strong> sable, La Folie Céladon, Algues,<br />

<strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse où s’exprime le regret <strong>de</strong> voir s’évanouir ce que l’on ne<br />

peut retenir et s’en va vers le néant, l’impossibilité <strong>de</strong> conserver ce qui a été aimé. Ce motif<br />

<strong>de</strong> l’engloutissement apparaît en particulier <strong>dans</strong> plusieurs récits <strong>de</strong> rêves. Dans <strong>Le</strong><br />

Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, le narrateur voit en rêve un château <strong>de</strong> neige et <strong>de</strong> glace<br />

entouré d’une clairière, château monumental et superbe qu’il contemple avec ravissement,<br />

orné <strong>de</strong> scènes mythologiques : « La neige se prêtait à l’imitation du stuc et montrait <strong>de</strong>s<br />

scènes champêtres, <strong>de</strong>s anecdotes mythologiques, taillées en un doux <strong>de</strong>mi-relief » (CPI,<br />

161). <strong>Le</strong> château se présente comme un mon<strong>de</strong> lumineux au milieu <strong>de</strong>s ténèbres <strong>de</strong> la forêt,<br />

mais il est voué à la <strong>de</strong>struction :<br />

Cette dissolution s’accomplissait avec <strong>de</strong>s à-coups, <strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong> spasmes qui faisaient penser à<br />

l’agonie d’un mourant : tantôt un flux rapi<strong>de</strong>, incessant, ininterrompu, tantôt <strong>de</strong>s arrêts qui<br />

permettaient d’espérer que la neige se défendait, que le château résistait énergiquement,<br />

héroïquement, aux forces <strong>de</strong> décomposition qui l’assaillaient. (CPI, 163)<br />

<strong>Le</strong> château se liquéfie et perd <strong>de</strong> sa luminosité, et les ténèbres <strong>de</strong> la forêt<br />

s’avancent comme, <strong>dans</strong> le mythe, se soulève la terre autour <strong>de</strong> Coré. Un <strong>fantastique</strong><br />

morbi<strong>de</strong> et grandiose <strong>de</strong> fin d’un mon<strong>de</strong> est mis en scène, tout imprégné <strong>de</strong> la hantise <strong>de</strong> la<br />

mort. À ce rêve s’associe celui <strong>de</strong>s « Oléandres », villa où le narrateur enfant a été heureux.<br />

<strong>Le</strong> rêveur assiste, émerveillé et angoissé, à la réapparition <strong>de</strong> la belle villa et à son<br />

anéantissement, et « ce que l’on appelle mourir travaille (…) en taupe fouisseuse qui<br />

attaque la solidité <strong>de</strong> la terre et substitue à la masse compacte la ténuité <strong>de</strong> ses labyrinthes<br />

souterrains » (CPI, 174). La villa est livrée à la fureur <strong>de</strong> démons aussi violents et<br />

impitoyables qu’ Hadès.<br />

Perséphone, à l’issue <strong>de</strong> son aventure <strong>dans</strong> le mythe, appartient à <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s.<br />

Elle <strong>de</strong>vient l’épouse d’Hadès et règne sur le mon<strong>de</strong> souterrain. Dans les romans, Algue,<br />

Alana, Ilse et bien d’autres personnages féminins apparaissent comme les ambassadrices<br />

<strong>de</strong>s pays inconnus. Présentes et lointaines, elles appartiennent à l’ici et à l’ailleurs,<br />

éveillent la mélancolie <strong>de</strong>s lointains, le désir <strong>de</strong> départ vers <strong>de</strong>s horizons entrevus. <strong>Le</strong><br />

voyage auquel elles convient est cheminement à travers ces labyrinthes souterrains que<br />

sont les souvenirs d’enfance et les rêves. Elles désignent, comme les figures gravées sur les<br />

bagues <strong>de</strong> cornaline, les territoires perdus, à rechercher, et ai<strong>de</strong>nt à traverser les espaces en<br />

apparence infranchissables.<br />

La métamorphose que vit Coré se fait enfin par changement <strong>de</strong> temps. <strong>Le</strong> temps<br />

<strong>de</strong>s hommes est remplacé par le temps <strong>de</strong>s ombres. Adalbert, <strong>dans</strong> De l’autre côté <strong>de</strong> la

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