27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

267<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

référent ici sans équivoque, au constant et universel symbolisme du voile 457 . Un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong><br />

cuir ferme la hutte <strong>dans</strong> laquelle Wenzel, au chapitre sept, a trouvé refuge. Il est seuil entre<br />

le <strong>de</strong>hors et l’intérieur, entre la lumière et la pénombre et, <strong>de</strong>venu symboliquement voile,<br />

permet <strong>dans</strong> l’ombre <strong>de</strong> la hutte le surgissement du « <strong>de</strong>mi-jour » <strong>de</strong>s souvenirs.<br />

<strong>Le</strong> nuage, nous explique Gabrielle Dufour-Kowalska à propos <strong>de</strong> l’esthétique <strong>de</strong><br />

Caspar David Friedrich, « ouvre l’espace <strong>de</strong> l’imaginaire et crée un état <strong>de</strong> suspens entre le<br />

ciel qu’il dérobe à la vue et le mystère d’une réalité qu’il voile et révèle à la fois » 458 . <strong>Le</strong><br />

nuage enveloppe le paysage, efface le mon<strong>de</strong> et en même temps permet d’aller au-<strong>de</strong>là du<br />

visible immédiat, d’accé<strong>de</strong>r à une autre scène. <strong>Le</strong>s mots nuage et ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong>viennent<br />

interchangeables : « Sur les hauteurs <strong>de</strong> la rive que nous avions quittée, <strong>de</strong>s nuages<br />

tombaient, lents et pesants, avertissant les spectateurs que la pièce était achevée » (NATM,<br />

133). À ces ri<strong>de</strong>aux et voiles s’ajoutent les écrans formés par les montagnes :<br />

Nous nous sommes éloignés <strong>de</strong>s tombes qui, pendant quelque temps, nous avaient fascinés et<br />

nous avons commencé l’ascension <strong>de</strong> ce premier écran <strong>de</strong> montagnes qu’il fallait gravir. <strong>Le</strong> mot<br />

écran me paraît juste ; on aurait cru que chaque chaîne ne se présentait que pour cacher une autre<br />

chaîne, étalée <strong>de</strong>rrière celle-ci, n’en laissant voir que les cimes, comme appâts. (NATM, 252)<br />

Tous ces seuils doivent être franchis, et un passage reste toujours ouvert. De ce<br />

point <strong>de</strong> vue, un <strong>de</strong>s personnages, Berg, prend une certaine importance. Il est capable <strong>de</strong><br />

surmonter la dimension d’enfermement du labyrinthe, <strong>de</strong> faire en sorte qu’il ne soit pas<br />

uniquement prison. Berg est un voyageur qui, comme ses compagnons, a donné à son<br />

voyage une signification nouvelle, qui lui fait suivre un itinéraire spiralé. Cette nouvelle<br />

dimension que prend pour lui le voyage détermine un autre comportement : il questionne,<br />

émet <strong>de</strong>s hypothèses, explique, montre, remarque, comprend, interroge le contenu <strong>de</strong>s<br />

rêves… Il gui<strong>de</strong> <strong>dans</strong> une certaine mesure ses compagnons sur les routes du <strong>fantastique</strong>.<br />

Pour lui, « la porte <strong>de</strong> communication est toujours ouverte » entre le mon<strong>de</strong> réel et le<br />

mon<strong>de</strong> <strong>fantastique</strong>. Très proche du narrateur, opposé au regard plus rationnel <strong>de</strong> Graham, il<br />

est capable face à l’événement <strong>fantastique</strong>, <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r distance et humour. Au moment où<br />

les voyageurs ne savent quelle direction prendre, il propose un moyen <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong><br />

l’indécision :<br />

Il nous place en <strong>de</strong>mi-cercle, le dos à la chaîne <strong>de</strong> montagnes infiniment lointaine, chacun <strong>de</strong> nous<br />

ayant la responsabilité d’un segment <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>mi-cercle (…) et piquant <strong>de</strong> l’in<strong>de</strong>x nos poitrines, il<br />

457 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, La gran<strong>de</strong> aventure <strong>de</strong> la peinture religieuse, Paris, Librairie Académique Perrin,<br />

1968, p.176. Voir illustration 25.<br />

458 Gabrielle Dufour-Kowalska, Caspar David Friedrich, aux sources <strong>de</strong> l’imaginaire romantique, Lausanne,<br />

L’Âge d’homme, 1992, p.65.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!