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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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66<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

ou encore celui d’Algues, parlent d’une « atmosphère d’irréalité » (JV, 66 ; A, 132), ou<br />

d’une « délicieuse irréalité » (A, 62). Cette expression revient assez fréquemment. Dans<br />

Algues, il est question <strong>de</strong> « l’atmosphère un peu irréelle <strong>de</strong> la maison du Connétable » (A,<br />

321), <strong>dans</strong> Château d’ombres : « <strong>Le</strong>s parties découvertes du jardin donnaient une<br />

impression d’irréel et <strong>de</strong> <strong>fantastique</strong> » (CO, 44). Nous retrouvons cette expression <strong>dans</strong><br />

l’œuvre critique, à propos <strong>de</strong> E.T.A. Hoffmann :<br />

Cette atmosphère d’irréalité et <strong>de</strong> surréalité qui entoure la scène et tout ce qui s’y passe, agit sur<br />

lui à la manière du punch, <strong>de</strong> la musique, <strong>de</strong>s aventures extraordinaires, et le rend disponible à <strong>de</strong><br />

merveilleuses rencontres, à <strong>de</strong>s métamorphoses imprévues. 155<br />

Attardons-nous sur ce mot « atmosphère » qui revient si souvent <strong>dans</strong> les romans,<br />

<strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Caprice espagnol, De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt, <strong>Le</strong> Pré du grand songe, <strong>Le</strong>s Miroirs<br />

et les gouffres… <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> place ses personnages <strong>dans</strong> une certaine atmosphère, étape<br />

intermédiaire qui prépare l’ « événement » proprement <strong>fantastique</strong>, le « surgissement <strong>de</strong><br />

l’incroyable », l’ « irruption <strong>de</strong> l’inattendu » qui risque à tout moment <strong>de</strong> se produire.<br />

Dès les premières lignes <strong>de</strong> Nous avons traversé la montagne, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> nous<br />

place <strong>dans</strong> un univers particulier :<br />

L’air sentait la sauge et le miel. <strong>Le</strong>s abeilles allaient et venaient, du <strong>de</strong>hors où la chaleur s’écrasait<br />

en gémissant contre les murs au-<strong>de</strong><strong>dans</strong> <strong>de</strong> la salle où la pénombre protégeait sa fraîcheur contre<br />

l’agression du soleil qui agite, par intervalles, le ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> perles <strong>de</strong> bois. Ce ri<strong>de</strong>au attend, pour<br />

tinter, que le soir glisse un peu d’air frais entre ses grilles : les hommes espèrent aussi cet instant<br />

où la violence féroce <strong>de</strong> midi et <strong>de</strong> l’après-midi s’apaisera, repue d’avoir tant fait souffrir. (NATM,<br />

13)<br />

<strong>Le</strong>s effets <strong>de</strong> personnification sont nombreux <strong>dans</strong> ce paragraphe. On remarque<br />

également l’utilisation du terme <strong>de</strong> comparaison « aussi » qui met sur le même plan le<br />

ri<strong>de</strong>au et les êtres vivants. Nous retrouvons quelques lignes plus loin le même procédé,<br />

établissant une correspondance entre la pensée <strong>de</strong> certains hommes et celle <strong>de</strong>s mouches :<br />

« Certains hommes pensent ainsi, eux aussi ». Des correspondances s’établissent <strong>dans</strong> un<br />

univers étrangement vivant, où l’on sent que tout est relié par <strong>de</strong>s fils secrets. Un même<br />

procédé est utilisé <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Pré du grand songe : « <strong>Le</strong> regard <strong>de</strong> Blas la chercha <strong>dans</strong> son<br />

fauteuil, rencontra ses jambes nues, ses yeux clairs, enveloppés <strong>de</strong> cette même<br />

phosphorescence émanée aussi du clavier. » (PGS, 12).<br />

Cette notion d’atmosphère est à rattacher à celle <strong>de</strong> Stimmung, mot allemand que<br />

Charles du Bos tente <strong>de</strong> définir <strong>dans</strong> son introduction aux Fragments <strong>de</strong> Novalis. Charles<br />

155 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Allemagne romantique, tome 2, op. cit., p.135. Autre exemple, à propos <strong>de</strong>s Flegeljahre<br />

<strong>de</strong> Jean-Paul : « Walt empruntera l’apparence <strong>de</strong> Vult pour conquérir Wina, et cette atmosphère d’irréalité<br />

qu’il y a <strong>dans</strong> leur amour nous était apparue déjà au cours <strong>de</strong> la promena<strong>de</strong> sous la casca<strong>de</strong> qu’ils avaient<br />

faite ensemble. » (p.297)

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